300 000 $ en lave-vaisselle
La prison d’orsainville a remplacé un appareil presque neuf parce que ses préposés ne l’aimaient pas
Après avoir doté la prison d’orsainville de la «Cadillac» des lave-vaisselle, le gouvernement l’a changée à grands frais pour une «Ferrari», deux ans plus tard, en essayant vainement de refiler la facture au secteur privé.
La juge Johanne April, de la Cour supérieure, vient de servir une douche d’eau froide à la Société québécoise des infrastructures (SQI) – le bras immobilier du gouvernement provincial – en rejetant sa réclamation de 234 000 $ contre des entreprises choisies pour la guider dans son achat.
« PAS LES BIENVENUS »
En avril 2010, la SQI achetait et faisait installer un lave-vaisselle commercial du manufacturier canadien Champion à la cafétéria de la prison d’orsainville, au coût de quelque 110000$, pour remplacer celui de marque Hobart qui s’y trouvait depuis 20 ans. L’appareil de trois mètres de long et d’une durée de vie de 25 ans lui avait été suggéré par un cuisiniste professionnel, Julien Pelletier, qui avait déjà fait le même travail pour les prisons de Sept-îles, Roberval et Percé. Le Champion coûtait moins cher que le modèle Hobart neuf et, contrairement à ce dernier, son installation ne nécessitait pas l’utilisation onéreuse d’une grue pour le manipuler, selon le défendeur. Mais au moment de l’installer et de former les préposés à l’utiliser, «on n’était pas les bienvenus» à la prison, a témoigné le directeur national des ventes du manufacturier, Claude Millette, en qualifiant son modèle de «Cadillac du lave-vaisselle». «On s’est fait dire: “On n’en veut pas de votre machine, elle ne fera pas long feu ici”», a-t-il ajouté au procès qui a duré trois jours.
FONDS PUBLICS À L’EAU
La prison voulait «la Ferrari» des lave-vaisselle, a imagé un autre sous-entrepreneur de la SQI. Plaintes et bris se sont accumulés. «En fait, les utilisateurs [...] refusaient de se soumettre à une nouvelle méthode de chargement du lave-vaisselle, a-t-elle précisé. Il est clair pour le Tribunal que l’établissement ne voulait pas du lave-vaisselle Champion.» En septembre 2012, la SQI remplaçait «à grands frais» ce modèle par un Hobart au coût de 182 900$. «La demanderesse est la seule responsable des coûts engendrés par une décision qui n’avait pour but que de satisfaire les préposés de l’établissement (de détention de Québec)», soit les détenus qui manoeuvraient l’appareil et les fonctionnaires responsables du service de l’alimentation de la prison, a tranché la juge. Elle a rappelé à la SQI qu’il s’agissait de «fonds publics». «Il va sans dire que cette façon de faire ne rejoint en rien les objectifs de la loi en matière de procédures dans les contrats des organismes publics.»