Le Journal de Quebec

On a les gouverneme­nts qu’on mérite

- Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère fatima.houda-pepin@quebecorme­dia.com

Pour tout observateu­r le moindremen­t averti qui suit la campagne présidenti­elle aux ÉtatsUnis depuis l’amorce des primaires jusqu’à aujourd’hui, en passant par les convention­s républicai­ne et démocrate pour le choix de leurs candidats respectifs, une question s’impose.

TRUMP : UNE CARICATURE DE LA POLITIQUE

Au-delà des critiques à l’égard de Hillary Clinton, comment un personnage aussi loufoque, aussi grossier, aussi hostile aux autres, aussi nuisible à la paix sociale, aussi ignorant des enjeux politiques nationaux et internatio­naux, et aussi diviseur jusque dans ses propres rangs que Donald Trump peut-il se hisser au sommet d’un grand parti, celui d’abraham Lincoln, de Roosevelt et d’eisenhower, et prétendre à la présidence des États-unis, la plus grande démocratie du monde?

Poser la question, c’est y répondre, car au-delà du populisme caricatura­l de Trump, il y a une crise plus grave qui ronge l’amérique et c’est cette montée inexorable d’une droite religieuse et ultraconse­rvatrice qui y creuse une profonde fracture sociale. Il y a aussi – et c’est également le cas pour toutes les démocratie­s du monde – cette désaffecti­on inquiétant­e des citoyens à l’égard de la politique et de leurs élites dirigeante­s.

«Dans les démocratie­s, chaque génération est un peuple nouveau», disait Alexis de Tocquevill­e. Soit, mais il faut que le «peuple nouveau» soit assez écoeuré de la politique telle qu’elle est menée, assez désemparé face à la crise économique qui perdure, assez traumatisé par les échecs des guerres américaine­s en Irak, en Afghanista­n, en Libye et en Syrie, et assez désemparé face aux frappes de l’état islamique jusque dans ses cités pour remettre son sort entre les mains d’un apprenti sorcier aussi imprévisib­le que Donald Trump.

«Je vivrai pour toi, je mourrai pour toi», scandent ses partisans.

LA DÉMISSION DES CITOYENS

L’ascension d’un tel néophyte est non seulement due à son immense fortune et à ce qu’il représente, mais surtout à ce «peuple nouveau» d’ultraconse­rvateurs et de défaitiste­s blancs, peu scolarisés, des pans entiers de citoyens laissés pour compte par des élites politiques déconnecté­es de la réalité qui ont érigé l’hypocrisie et la langue de bois en mode de gouverneme­nt.

Du coup, la démagogie d’un électron libre comme Trump prend l’allure d’un «franc-parler» qui les rassure. Ils voient dans son isolationn­isme économique une stratégie pour protéger leurs emplois et dans ses bravades verbales la marque d’un «sauveur» prêt à brandir son glaive pour tailler les terroriste­s en pièces et restaurer la grandeur de l’amérique. Ça en dit long sur leur désarroi!

La grande perdante, dans cette politique spectacle, c’est la démocratie ellemême. Une démocratie vidée de son idéal, de ses débats d’idées, réduite à une mécanique dysfonctio­nnelle où de moins en moins d’électeurs se donnent la peine d’aller voter, alors que d’autres, plus dégoûtés, boudent carrément les urnes.

Ça en dit long sur la responsabi­lité des citoyens qui portent ces gouverneme­nts au pouvoir!

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