Une greffière réintégrée malgré un conjoint lié aux Hells
Le Tribunal d’arbitrage statue que ce seul lien ne justifie pas son congédiement
Une greffière de Sorel congédiée parce qu’elle est en couple avec une relation des Hells Angels pourra réintégrer son emploi, selon la décision d’un tribunal que le ministère de la Justice conteste.
Maude Villiard travaille pour la justice depuis 2006. Décrite par sa supérieure comme une bonne employée, elle a accès à un grand nombre d’informations privilégiées comme les dossiers de victimes, les bureaux des juges et ceux des procureurs de la Couronne.
Elle a aussi des pouvoirs de juge de paix, ce qui lui permet d’autoriser des saisies sans mandats, ou encore de signer des mandats de perquisition.
Mais le problème, c’est qu’elle s’affiche ouvertement en couple avec Claude Vallée, un homme considéré par la Sûreté du Québec comme une relation des Hells Angels.
M. Vallée est connu du renseignement criminel de la SQ depuis 1993. Il a entre autres déjà été vu aux funérailles du frère d’un motard criminel, et à un gala de boxe avec le Hells Éric Bouffard. Il s’est déjà rendu au local de la section de Trois-rivières, a-t-il lui-même confié à la cour.
«Cette relation est incompatible avec les fonctions (de Mme Villiard), notamment à cause de son accès à de l’information privilégiée», peut-on lire dans un document de cour justifiant le congédiement de la femme en novembre 2012.
RÉINTÉGRÉE
Mais Mme Villiard a récemment gagné sa bataille pour récupérer son emploi.
Le Tribunal d’arbitrage a alors statué que ce congédiement était injustifié. Le ministère doit aussi lui verser son salaire durant son congédiement, moins ce qu’elle a gagné entre-temps.
«La plaignante ne s’est jamais rien vu reprocher à son travail, a affirmé l’arbitre de grief Gilles Lavoie. Elle ne s’est vu reprocher aucun acte illégal, n’a été l’objet d’aucun soupçon et elle a travaillé (pendant) plus d’un an (alors qu’elle était) avec ce conjoint, situation qui était connue.»
L’arbitre a également statué que le témoignage d’un expert de la Sûreté du Québec concernant M. Vallée était du ouï-dire.
Cet expert avait entre autres affirmé que le crime organisé «collecte, autant que possible, des informations sur les sources et certaines des techniques d’enquête» et que la relation entre la greffière et M. Vallée constituait «un problème majeur».
APPEL
Le ministère de la Justice ne veut toutefois pas que cette greffière reprenne son poste.
Il a donc demandé l’annulation de cette décision à la Cour supérieure. Car la seule «crainte sérieuse d’un préjudice potentiel» est suffisante pour justifier un congédiement, peut-on lire dans la demande d’appel rendue publique hier.
«L’arbitre a commis des erreurs de fait manifestes et déterminantes», ajoutent les avocats du ministère.
Ni le ministère ni Mme Villiard n’ont souhaité commenter l’affaire.