Le Journal de Quebec

Trump : De Niro se trompe de film

- richard Martineau richard.martineau@quebecorme­dia.com

Robert De Niro a dit cette semaine que Donald Trump lui rappelait Travis Bickle, l’antihéros délirant qu’il incarnait dans Taxi Driver, de Martin Scorsese (1976).

Un cinglé qui est considéré comme un héros par la population.

Personnell­ement, je trouve que la comparaiso­n ne tient pas.

Bickle était un marginal, un asocial qui, incapable d’intégrer la société et de tisser des liens avec d’autres êtres humains, s’est transformé en machine de guerre et a fini par exploser.

Il ressemble plus à Aaron Driver, le terroriste abattu par la GRC cette semaine, qu’à Donald Trump.

FOU DE RAGE

Trump ne ressemble pas au héros de Taxi Driver...

En fait, De Niro se trompe de film et de personnage.

Le leader des républicai­ns ne ressemble pas à Travis Bickle, mais à Howard Beale, l’animateur de télévision qu’on voit dans le film Network, de Sidney Lumet (aussi réalisé en 1976). Vous souvenez-vous? Lecteur de nouvelles dépressif et suicidaire (il menace de se faire sauter la cervelle en plein bulletin d’informatio­n), Beale devient une superstar des ondes en canalisant la rage et la frustratio­n de l’américain moyen.

Dans une de ses émissions, Beale regarde la caméra et se lance dans un des plus longs monologues de l’histoire du cinéma…

«Je n’ai pas besoin de vous dire que ça va mal. Tout le monde sait que ça va mal! La crise est partout, on voit partout le chômage, l’angoisse de se retrouver sans emploi…

«Les petits commerçant­s cachent une arme derrière leur comptoir, partout, on voit des voyous déferler dans les rues, personne nulle part ne sait quoi faire, on est désemparé!

«Nous regardons la télévision et écoutons un lecteur de nouvelles nous annoncer tranquille­ment qu’il y a eu 15 meurtres et 63 agressions de femmes, comme si c’était absolument normal!

«Personnell­ement, je ne sais pas comment régler tous ces problèmes, je ne sais pas par où il faudrait commencer… Mais tout ce que je sais, c’est que d’abord, il faut que vous en ayez marre!

«Je veux que vous vous leviez tous, que vous alliez à votre fenêtre et que vous hurliez: “Je suis fou de rage, je commence à en avoir ras le bol!”

«Criez avec moi, allez! JE SUIS FOU DE RAGE ET JE COMMENCE À EN AVOIR RAS LE BOL!»

LE PORTE-PAROLE DES FRUSTRÉS

À sa sortie, Network (une satire acidulée des médias) avait fait un malheur et remporté quatre Oscars, dont celui du meilleur scénario.

Le cri du coeur de Beale est devenu une réplique culte, probableme­nt LA phrase qui représente le mieux l’amérique des années 1970, gangrénée par la crise du pétrole, l’inflation galopante et la montée de la violence urbaine.

L’amérique a changé depuis les années 1970, mais le cri de rage d’howard Beale demeure toujours aussi pertinent.

Les problèmes, maintenant, s’appellent «terrorisme», «mondialisa­tion» et «communauta­risme».

Voici pourquoi Trump est si populaire auprès des ouvriers américains de race blanche. Comme Michael Douglas dans Breaking Down, il ventile leur fureur et leur exaspérati­on.

Il ne propose rien de concret pour régler leurs problèmes. Il fait juste crier et gueuler.

Mais pour beaucoup d’américains, c’est un pas dans la bonne direction…

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