Le Journal de Quebec

Une attaque sordide planifiée et perpétrée sur plus de 300 km

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- CLAUDIA BERTHIAUME

Le violeur filme toute la scène avec sa tablette électroniq­ue, placée entre les deux sièges.

Chloé pense qu’il va maintenant la ramener chez elle. Enfin. Mais son bourreau veut trouver un endroit où prendre une douche, parce qu’il a laissé son ADN sur elle.

MENOTTÉE À L’ÉVIER

Il met un bandeau sur les yeux de Chloé et une couverture sur sa tête. C’est l’obscurité totale.

Lévesque Paquette cherche un endroit dans son GPS. Il loue une chambre au motel Mont-saint-hilaire & Cabines vers 18 h 30. Le calvaire de Chloé dure depuis déjà quatre heures.

Le kidnappeur menotte Chloé à l’évier de la salle de bains. Il apporte ensuite tout son attirail dans la chambre: jouets sexuels, diverses menottes, gants en latex bleus, nourriture, etc.

Il a même prévu des draps en satin rouge, parce que c’est doux. Il permet à Chloé de prendre un bain après s’être assuré qu’elle ne pouvait pas fuir par la fenêtre.

L’agresseur lui annonce qu’il a l’intention de la garder pour la nuit. Il veut encore du sexe.

Il refuse de lui donner ses vêtements, qu’ils a fouillés et pliés. De nouveau prise au piège, Chloé est désespérée. Elle n’a nulle part où aller. Elle fixe le rideau pendant 30 minutes tandis qu’il l’interroge. Elle pleure, pensant à ses amis qui doivent s’inquiéter de sa si longue absence.

COMME UN « POISSON MORT »

Le violeur abuse ensuite d’elle à six ou sept reprises pendant la nuit. Très minutieux, il utilise toujours des gants lorsqu’il touche quelque chose. Mais il ne porte jamais de préservati­f. Il filme des séquences du viol avec sa tablette.

Chloé n’a plus de force. Elle est comme un «poisson mort», selon ce qu’elle dit à l’enquêteur Alain Malouin par la suite.

Entre chaque relation sexuelle, le violeur exige qu’elle se lave. Lors des rares moments où ils dorment, il attache la jambe de Chloé à la sienne. Et il la serre dans ses bras.

Lévesque Paquette lui répète constammen­t qu’elle est forte, brave et courageuse. «Tu vas sourire encore. Peut-être pas pour un bout de temps, mais tu vas sourire», lui dit-il comme pour la rassurer faussement.

Le kidnappeur lui avait promis de la ramener chez elle avant le lever du soleil. Le matin venu, la jeune femme le presse de lui dire quand elle pourra rentrer chez elle. Il est plus de 9 h.

«Je vais devoir briser ma promesse», lui ré- pond-il finalement. Chloé est en larmes. Il lui redonne ses vêtements et la filme pendant qu’elle s’habille. Il voulait un souvenir de son corps en entier.

Cela représenta­it un moment marquant de sa vie à lui aussi, a expliqué le violeur à l’enquêteur lors de son interrogat­oire.

FIN DU CAUCHEMAR

Lévesque Paquette ramène la jeune femme dans son VUS, en s’assurant qu’elle ne puisse pas voir où ils étaient. Il la menotte au levier de vitesse et lui donne un choix étonnant. «Tu veux que je te reconduise à l’hôpital, au poste de police ou à une station de métro», demande-t-il à Chloé.

Effrayée, et croyant qu’il s’agissait encore d’un piège, elle choisit la station de métro. Elle était loin de se douter que son cauchemar se terminerai­t à peine 300 mètres plus loin, à l’entrée du pont Jordi-bonet.

Deux policiers affectés à la circulatio­n y sont postés, dans une auto-patrouille munie d’un lecteur de plaques. Lévesque Paquette passe devant eux. Il n’a pas le droit de conduire et il le sait très bien.

Son permis est suspendu pour cause d’amendes impayées.

Les patrouille­urs allument sirène et gyrophares et se lancent à sa poursuite. Le chauffard fait de brusques changement­s de voie pour fuir. Il roule à 90 km/h.

Il monte sur un trottoir avec son véhicule et percute un arbre et un panneau d’arrêt. Les coussins gonflables se déploient, la poursuite est finie.

UN HEUREUX HASARD

Le calvaire de Chloé aussi. «Je crois que ce sera tout pour moi», lui dit son bourreau avant de la démenotter rapidement du levier de vitesse.

Lévesque Paquette savait qu’il finirait par se faire prendre, mais pas aussi vite.

Il sort de son véhicule et il fait face à l’agent Steve Mathieu.

«Arrête-moi. Mets-moi les menottes. Je suis coupable. C’est moi qui l’ai fait», lui lance-t-il sans détour, en tendant les mains. L’agent Mathieu le met en état d’arrestatio­n pour conduite dangereuse. Il est 10 h 50, le 1er décembre.

Le patrouille­ur ne connaît pas encore l’ampleur du plan que son partenaire et lui viennent de déjouer par pur hasard.

Pendant ce temps, l’agent Jonathan Massé découvre Chloé, tremblante.

Il lui offre de s’asseoir dans l’auto-patrouille pour voir si elle est blessée. C’est là que l’agent remarque la menotte toujours fixée à son poignet.

«J’ai été kidnappée», lui lance-t-elle.

AUCUNE EMPATHIE

Le patrouille­ur fait vite le lien avec une informatio­n reçue lors du briefing matinal. Une proche inquiète avait déjà signalé la disparitio­n de Chloé à la police de Montréal. C’est bien plus qu’une intercepti­on de routine, pense l’agent.

Les patrouille­urs fouillent le violeur et son véhicule et découvrent à quel point il était préparé ( encadré).

Lors de son interrogat­oire, Lévesque Paquette avoue n’avoir aucune empathie. Pour preuve, lorsque Chloé ment en lui disant ne pas être en couple, il lui répond: «C’est bien. C’est mieux de bri- ser une seule personne qu’une relation.» Elle était en couple depuis plus de deux ans.

Le 2 décembre 2015, Patrick Lévesque Paquette a été accusé de 17 chefs, allant du trafic de drogue à la conduite dangereuse en passant par l’agression sexuelle et la séquestrat­ion. Il est détenu depuis.

L’homme de 25 ans n’a aucun antécédent judiciaire. Il a mentionné aux enquêteurs de la police de Richelieu-saint-laurent que c’était la première fois qu’il posait un tel geste.

COUPABLE

Ceux-ci n’ont pas semblé le croire, car la Sûreté du Québec a demandé l’aide du public, pensant que Lévesque Paquette aurait pu faire d’autres victimes. Personne ne s’est manifesté à ce jour.

En avril dernier, il a plaidé coupable à 12 des accusation­s portées contre lui.

À cette occasion, la procureure de la Couronne Me Sandra Bilodeau a mis une heure à raconter au juge Gilles Charpentie­r le calvaire de Chloé.

L’agresseur a quant à lui été envoyé à l’institut Philippe-pinel pour subir une évaluation sexologiqu­e. Patrick Lévesque Paquette reviendra en cour le 24 août prochain.

1. Patrick Lévesque Paquette louait un appartemen­t sur l’avenue Dalquier, à Québec. 2. Il a attendu sa victime près du skate park du parc Raymond-préfontain­e, à Montréal. 3. Il l’a amenée au bout de la rue Brouillett­e, à Saint-hyacinthe, pour tenter de la violer.

4. Il s’est ensuite déplacé en bordure de l’autoroute 20, sur le Grand Rang.

5. Le kidnappeur et sa victime ont passé la nuit au motel Cabine de montsaint-hilaire. 6. Lévesque Paquette a été arrêté à Beloeil après un accident.

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