Enfermés un an comme s’ils étaient sur mars
Passer 366 jours enfermé dans un endroit petit comme un cinq et demi du Vieux-québec avec cinq inconnus serait assez pour rendre bien des gens fous. C’est pourtant ce qu’ont décidé de faire six volontaires pour une récente expérience de la NASA.
«La NASA n’enverra personne sur Mars s’il existe le moindre risque, tant humain que technique», soutient Kim Binsted, chercheuse principale du Hawaii Space Exploration Analog and Simulation (HI-SEAS).
La scientifique travaille avec l’agence spatiale américaine, qui veut s’assurer que les astronautes qu’elle enverra un jour sur la planète Mars ne finiront pas par s’entretuer avant même de se rendre à destination.
Il faut dire qu’un voyage vers la planète rouge devrait prendre deux ans et demi, incluant le retour à la maison. Le choix des coéquipiers est donc crucial.
«Si la partie humaine tourne mal, c’est aussi grave que si la fusée explose», explique celle qui a obtenu son baccalauréat en physique à l’université Mcgill et travaillé pendant deux ans à l’agence spatiale canadienne à Saint-hubert.
La mission HI-SEAS tente donc de cibler les signes précurseurs de tensions entre membres d’un équipage dans le but de les prévenir.
PRÉVENIR LES CONFLITS
Isolés à l’intérieur d’un dôme dans une région aride d’hawaï, les six cobayes se sont nourris presque exclusivement d’aliments déshydratés durant un an. Ce genre de conditions de vie très limitées combinées à un manque d’intimité est un excellent carburant à conflits.
Cyprien Verseux, l’un des cobayes, en sait quelque chose. «Il y a eu des tensions à propos du partage de la nourriture, à propos des tâches ménagères, des conflits de personnalités aussi. Mais le fait d’avoir un objectif commun, celui de montrer qu’un voyage sur Mars serait possible, nous a permis d’effectuer le travail même dans les moments difficiles», explique l’astrobiologiste français de 26 ans.
Selon Kim Binsted, les astronautes sont des personnes très positives et stoïques. «Si vous demandez à l’un d’eux s’il va bien, ou s’il s’entend bien avec les autres membres de l’équipage, il vous répondra toujours oui», assuret-elle. Le temps qu’un astronaute en vienne à avouer qu’il y a un conflit, il sera probablement déjà trop tard pour régler le problème.
«Nous avons découvert que la résilience est un élément clé. Les per- sonnes choisies devront être capables de mettre les conflits de côté et de continuer à travailler en équipe malgré les tensions», poursuit la chercheuse.
DES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS
Même s’il est encore tôt dans l’analyse des résultats, Kim Binsted est maintenant convaincue d’une chose: nous irons bientôt sur la planète rouge.
«Certains cyniques disent que nous sommes à 20 ans d’aller sur Mars depuis 60 ans. C’est vrai, mais on peut maintenant croire qu’une première mission sera en route d’ici les 20 prochaines années», ajoute la chercheuse.
Selon elle, la NASA devrait être rassurée par les expériences du HI-SEAS.
«Nous avons démontré à la NASA que les choses ne tourneront pas horriblement mal. Les conflits en situation d’isolement sont surmontables dans une bonne équipe», estime-t-elle.