Le Journal de Quebec

UNE VIE À MILITER POUR L’ACCÈS AU LOGEMENT L’ACCÈS AU LOGEMENT

jeudi L’un des plus grands défenseurs du droit au logement au Québec prend sa retraite Benoît Philie

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Les souvenirs d’une jeunesse vécue dans un appartemen­t insalubre d’un quartier populaire du Vieux-québec, mêlés à l’esprit militant des années 1970, auront tracé un chemin tout naturel pour François Saillant, qui a consacré les 38 dernières années à oeuvrer pour le droit au logement des Québécois. Coordonnat­eur et porte-parole principal du Front d’action populaire en réaménagem­ent urbain (FRAPRU), l’homme de 65 ans prendra sa retraite jeudi prochain, non sans un pincement au coeur. Il raconte au Journal les hauts et les bas d’une longue bataille qui, selon lui, est loin d’être terminée.

Qu’est-ce qui vous a mené à militer contre la pauvreté et pour l’accès au logement ? J’y suis venu quasi naturellem­ent. D’abord, je viens d’un quartier populaire de la Basse-ville de Québec, où les problèmes de pauvreté étaient très grands. J’ai moi-même vécu dans un logement où il y avait des rats et qui a été condamné juste après que ma famille y eut habité. Mes pa

rents ont toujours été des locataires. Puis, j’étais adolescent à la fin des années 60, une période où ça bougeait énormément. Mais c’est surtout pour l’indépendan­ce du Québec que j’ai commencé à militer activement, à l’époque.

Après 38 ans de travail sur le terrain à Montréal et ailleurs au Québec, comment les choses ont-elles changé concernant l’accès au logement ? La situation s’est transformé­e, mais les problèmes sont demeurés. Quand j’ai commencé à m’impliquer, c’est surtout la qualité des logements qui faisait défaut. Il y avait un grand besoin pour la rénovation du parc locatif. Jusqu’à la fin des années 70, on voyait parfois des familles de sept personnes dans des appartemen­ts tout croche de deux chambres à coucher. Sans bain ni douche. Maintenant, le noeud de la guerre, c’est le coût des loyers, qui augmente sans cesse. Oui, il y a encore des appartemen­ts insalubres et des propriétai­res voyous, mais le vrai problème, c’est que les gens doivent dépenser une part trop grande de leur revenu chaque mois pour se loger. Et les principale­s causes sont la «gentrifica­tion» des quartiers populaires et la conversion d’immeubles locatifs en propriétés privées.

Vous avez milité pour la création de logements sociaux au Québec, comme les habitation­s à loyer modique et les coopérativ­es. Que dites-vous aux détracteur­s de ce type d’appartemen­ts ? Les gens de la classe moyenne ont toujours l’impression que le logement social, c’est pour les autres. Que c’est pour les gens paresseux, pour ceux qui se traînent les pieds et qui ne sont pas débrouilla­rds. Mais ce n’est pas vrai. J’ai vu assez de cas dans ma vie pour savoir que le logement social, c’est une police d’assurance qu’on se donne collective­ment et que cette police d’assurance peut te servir un jour, peu importe qu’aujourd’hui tu sois propriétai­re d’un bungalow, que tu aies une bonne job ou une famille sta- ble… Il y a des gens, là-dedans, qui se sont retrouvés, pour une raison ou une autre, que ce soit la maladie, une perte d’emploi ou un divorce, sans logis du jour au lendemain.

Qu’est-ce qui attend le FRAPRU dans les prochaines années ? Il y a, dans les prochains mois, des défis énormes à Ottawa comme à Québec. Le gouverneme­nt Trudeau a promis une stratégie nationale sur le logement. Les résultats des consultati­ons devraient être connus au cours de 2017. Le FRAPRU va continuer à se battre pour s’assurer que cette stratégie reconnaiss­e le droit au logement et comprenne du financemen­t important pour créer plus de logements sociaux et protéger l’accessibil­ité financière de ceux qui sont déjà existants.

Vous prenez votre retraite la semaine prochaine. Avec le recul, pouvez-vous dire que vous partez la tête haute ? Oui. Pas parce que je suis satisfait de la situation actuelle. Au contraire, je suis loin d’être satisfait, car notre cause n’est toujours pas une priorité pour nos gouverneme­nts en 2016. Le fédéral et le provincial viennent de faire de grandes consultati­ons sur le logement et jamais on n’a prononcé les mots «droit du logement». Mais je suis fier d’avoir fait partie d’un mouvement qui a changé quelque chose de concret dans la vie des gens, au jour le jour. J’aurais aimé que ça bouge plus, en 40 ans, mais, avec le recul, je pense que le FRAPRU a bien joué son rôle dans la société québécoise.

Que comptez-vous faire de votre nouvelle liberté ? J’ai quelques projets en vue. Je vais entre autres continuer à lutter dans le domaine du droit au logement. Je compte m’impliquer dans le quartier où je réside, dans le Comité logement Rosemont, qui fait de la bonne job. Pour moi, le militantis­me, ça fait partie de la vie. Ce n’est pas abstrait et ce n’est surtout pas juste un emploi. C’est vivre.

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PHOTO CHANTAL POIRIER, LE JOURNAL DE MONTRÉAL Le militant François Saillant prendra sa retraite jeudi après avoir passé les 38 dernières années de sa vie à travailler pour le Front d’action populaire en réaménagem­ent urbain.

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