Les années hippies... teintées de noir
Sylvain Meunier, récompensé du prix Tenebris en 2012 pour Les mémoires d’un oeuf, propose un nouveau roman noir inspiré du Québec de la fin des années 1960, Saint-chause.
Jean-benoît Bastarache, antihéros par excellence, est un jeune hippie qui est initié progressivement au crime. Envoûté par la quelconque Marie-desneiges, moche mais efficace, il se laisse ensuite entraîner dans le commerce illicite de la drogue.
Par ses bons soins, l’église de Saint-chause, où il remplace le bedeau, devient un lieu de perdition. À force de dire et faire les mauvaises choses, Jean-benoît finit par avoir la police à ses trousses et doit déguerpir au plus vite.
PAS TROP PEACE AND LOVE
Sylvain Meunier raconte qu’il a vécu la première scène du roman: il a été bedeau suppléant quand il était jeune. «Je me suis fait engager comme bedeau, ce qui ne me tentait pas particulièrement...» La comparaison s’arrête là, mais les personnages de la «gang» de Jean-benoît sont inspirés de ses amis de l’époque, «noircis beaucoup».
«Ce sont les années 1960 comme vous ne les aurez jamais vues... pas une espèce de Peace and Love avec lunettes roses, tout le monde est beau, tout le monde est gentil. Moi, j’ai choisi l’option contraire, qui existait aussi, même si je ne l’ai pas vécue. Les gens avaient un signe de paix autour du cou, mais ça ne les empêchait pas d’être violents et malhonnêtes. Même ceux qui portaient les oripeaux du monde hippie ne mettaient pas en pratique les beaux principes, souvent. C’est un roman noir.»
Le roman démontre très bien toute l’emprise du clergé sur le Québec de la fin des années 1960. «C’est en même temps un portrait d’époque. C’est un monde en transition, concernant l’église catholique. L’église a déjà perdu énormément, mais personne ne sait, à ce moment, comment tout ça va revirer. L’église continuait d’avoir de l’importance aux yeux de beaucoup de monde.»
PERSONNAGES TRUCULENTS
Sylvain Meunier propose une galerie de personnages truculents: le bedeau Jean-benoît, sa douce Mamour, l’abbé Binette, assez jovial, inspiré par le maire Coderre, une police de république de bananes.
«Mamour, c’est un personnage créé, je n’ai aucune référence. Dans la première version, elle était très jolie. Puis j’ai changé pour qu’elle soit moche: ça la rendait moins banale. Et elle s’en fout complètement! Elle vit sa mocheté avec indifférence. Et finalement, ça marche, parce qu’elle finit avec le Don Juan de la place!»
L’écrivain a eu beaucoup de plaisir à décrire cette histoire, partagée entre la langue narrative, très fleurie, et des personnages bien vivants, qui sont souvent vulgaires dans leurs propos.
«C’est un roman très raconté, très narré, avec un narrateur interventionniste. On ne sait pas qui il est, mais on sait qu’il est au courant de bien des affaires... et il regarde ça avec un oeil extrêmement goguenard, comme dirait Molière! Il y a des contradictions entre des gens très relâchés, à tout point de vue, racontées par quelqu’un qui prend plaisir à jouer avec toutes les finesses de la langue. Les personnages sont en contraste les uns envers les autres.»
» Sylvain Meunier a été récompensé par le prix
Tenebris en 2012 pour Les mémoires d’un oeuf. » Il a aussi été trois fois finaliste aux prix littéraires du Gouverneur général pour ses romans jeunesse. » Il travaille une série jeunesse historico
fantastique.