Ils pardonnent à l’accusé
Des leaders musulmans considèrent Alexandre Bissonnette comme la septième « victime »
Lors d’une cérémonie funéraire émouvante à la mémoire des victimes de la tuerie de dimanche, des leaders musulmans ont accordé leur pardon au présumé meurtrier Alexandre Bissonnette, allant même jusqu’à le considérer comme la septième «victime» de l’attentat.
Des milliers de personnes, musulmanes ou non, se sont réunies hier au Centre des congrès de Québec pour rendre un dernier hommage à trois des six victimes dont les cercueils étaient bien en évidence au-devant de la scène.
«Peut-être que certains seront fâchés contre moi, mais je dois dire la vérité. Nous avons énuméré nos victimes, mais il y a une victime dont on n’a pas parlé. Cette victime s’appelle Alexandre Bissonnette», a indiqué l’imam Hussein Guillet en début de cérémonie.
Selon ce dernier, «avant de diriger des balles dans les coeurs d’innocents, il (Alexandre Bissonnette) a lui-même reçu des balles d’un autre genre. Il est victime des mots empoisonnés qui remplissent les coeurs.»
Saramady Toure, ambassadeur de Guinée au Canada, a assuré quant à lui que le pardon «est un principe cardinal de la religion musulmane. Le pardon nous est demandé, même pendant les épreuves les plus difficiles […] Les familles et les proches des familles des (deux) victimes guinéennes accordent leur pardon.»
PHILIPPE COUILLARD DIT Allah Akbar
Dans une atmosphère d’émotion et de ferveur religieuse, les musulmans pratiquants présents sur les lieux ont accom- pli la traditionnelle prière du vendredi ainsi que la prière funéraire.
On pouvait pratiquement sentir un frisson parcourir la foule lorsque Philippe Couillard a prononcé des expressions en langue arabe comme Assalamu alaykoum (Que la Paix soit sur vous) ou Inch'allah (Si Dieu le veut).
«Quand ces cercueils sont entrés parmi nous, on a entendu: Dieu est grand, Allah Akbar. Je fais exprès de répéter ces mots parce que souvent dans les médias, dans les films, dans certaines expressions de discours, ce sont deux mots qui sont associés au terrorisme et à la violence. On vient de voir ce à quoi ces mots sont associés aussi pour la communauté musulmane», a insisté le premier ministre suscitant des applaudissements nourris et une ovation debout de l’immense salle.
De son côté, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a rappelé «qu’à travers le monde, ce sont les musulmans qui sont le plus souvent victimes de terrorisme […] Il est plus que temps que les auteurs de discours (d’exclusion et de rabaissement), qu’ils soient politiciens, animateurs ou autres personnalités publiques se rendent compte du tort que leurs mots peuvent causer.»
« SOMBRE CHEMIN »
Régis Labeaume a repris à son compte les paroles du poète libanais Khalil Gibran selon lequel «nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit». Le maire de Québec a ajouté «qu’il était bien sombre, ce chemin, le 29 janvier».