Le Journal de Quebec

Scoop : je suis une victime !

- JOSEPH facal joseph.facal@quebecorme­dia.com

Je suis né ailleurs, j’ai un drôle de nom, le français n’est pas ma langue maternelle, et je ne le parle pas exactement comme un Québécois de souche.

Selon vous, est-il trop tard pour que je commence, moi aussi, à jouer à la minorité opprimée?

Blague à part, qu’il s’agisse du sexe, de la couleur de peau ou de la religion, je trouve qu’elles servent trop souvent à justifier des doléances franchemen­t ridicules.

MOI, MOI, MOI

Prenons juste le cas récent de la SAAQ. Il a suffi d’une seule plainte pour qu’un directeur régional demande à son personnel de ne plus utiliser les mots «monsieur» ou «madame» pour ne pas choquer quelqu’un qui ne serait pas trop sûr de son sexe.

On apprend ensuite que la SAAQ songe à permettre que l’on ne doive pas obligatoir­ement inscrire son sexe sur le permis de conduire.

Ça pourrait indisposer ceux ou celles qui ne savent pas trop quoi répondre.

Si vous changez de sexe, vos documents officiels seront modifiés. Je n’ai aucun problème avec cela. Ici, on est devant autre chose. La SAAQ envisage une mesure pour ne pas heurter la personne qui possède un document dans lequel se trouve une section qui a l’«immense» défaut de la forcer à se réclamer d’un genre.

Elle n’attend même pas une plainte, elle fait du zèle proactif.

Je pourrais aussi multiplier les exemples basés sur la religion ou l’origine ethnique.

Si les Québécois de souche regardent avec circonspec­tion, c’est d’abord parce qu’ils ne comprennen­t pas et qu’ils tiennent à ce que perdurent leurs points de repère à eux.

C’est compréhens­ible. Toutes les majorités réagissent ainsi. Faut-il absolument y voir de la xénophobie ou du racisme ?

À l’école primaire, des parents revendique­nt de plus en plus en invoquant que leur enfant est «particulie­r» de 1001manièr­es.

Traditionn­ellement, vivre en société, c’était accepter 1001 petits désagrémen­ts. Aujourd’hui, non.

Le plus petit détail qui dérange pourra déboucher sur une revendicat­ion véhiculée par quelqu’un qui invoquera sa différence et, souvent, se posera en victime.

C’est comme si on avait fabriqué un droit de ne pas être heurté, ou un droit de transforme­r sa différence, son malaise ou sa susceptibi­lité en revendicat­ion légitime.

Est-il raisonnabl­e d’avoir le réflexe spontané de remettre en question nos règles dès qu’une complainte, réelle ou appréhendé­e, est fondée sur le sexe, la religion ou un autre trait distinctif ?

Dans ce marché aux puces de la victimisat­ion, le seul qui doit obligatoir­ement fermer sa gueule, c’est celui ou celle qui est désespérém­ent ordinaire.

MÉFIANCE

Certains plaident qu’on renforce l’harmonie sociale en essayant le plus possible d’accommoder le plaignant minoritair­e.

C’est exactement le contraire. On attise le ressentime­nt de la majorité envers les minorités et on creuse les distances.

On a longtemps pensé que le Soleil tournait autour de la Terre.

Aujourd’hui, c’est comme si chacun était un petit soleil qui veut que tout le système social tourne autour de lui.

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