La revanche de Mulcair
Cynisme, mensonge, crachat au visage, les néo-démocrates n’ont pas fait dans la dentelle pour critiquer Justin Trudeau qui abandonne sa promesse de réformer le mode de scrutin. Pour un chef en sursis, Thomas Mulcair est apparu drôlement ragaillardi.
Il y avait belle lurette que le NPD avait occupé le haut du pavé à la Chambre des communes. L’histoire des derniers mois en était une de démotivation et de mauvais sondages. Le NPD peinait à attaquer efficacement Justin Trudeau, qui tenait le rôle de vrai champion de la gauche.
RECUL SPECTACULAIRE
Il faut dire que l’ami Trudeau leur a mis la balle au centre du marbre cette semaine. Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement renonce à un engagement solennel, mais disons que ce revirement est gros. Même grotesque. L’engagement était très ferme et les motifs de l’abandon sont nuls. La consultation aura coûté une fortune pour rien.
Pour ajouter au cynisme, quiconque connaît un peu la politique imagine facilement le sombre raisonnement qui a conduit à annoncer le recul maintenant. L’actualité de la semaine est surchargée par un terrible attentat et par l’ouragan Trump. L’entourage de Justin Trudeau aura pensé que cette nouvelle allait passer sous les radars. Un petit 24 heures de critique et on passe à un autre appel.
Les néo-démocrates sont doublement intéressés par le sujet. D’abord, dans l’histoire de leur parti, ils ont souvent été sous-représentés par rapport à leur pourcentage de votes. La réforme du mode de scrutin les aiderait. Ensuite, ils savent que ce thème est cher à la gauche. Pilonner Justin Trudeau pour y avoir tourné le dos pourrait ramener au bercail des brebis égarées qui ont été séduites par l’idéalisme de Justin Trudeau.
L’IMAGE TRUDEAU
C’est sur ce point précis que le premier ministre subit un dommage politique: son image d’idéaliste. Sur le fond, il y a bien peu de Canadiens qui tiennent vraiment à une réforme du mode de scrutin. Et croyez-moi, il y en a encore moins qui baseront leur vote là-dessus.
Malgré cela, plusieurs sont déçus de voir le jeune premier ministre enclin à changer le monde tourner ainsi en dérision l’une de ses promesses fondamentales. Thomas Mulcair le sait.
Ce n’est pas le seul sujet sur lequel le NPD joue cette même carte. Dans le dossier des pipelines, les néo-démocrates poussent les hauts cris en voyant Justin Trudeau pas aussi vert que dans les rêves de ses partisans écolos.
Et plus tôt cette semaine, le NPD a provoqué un débat d’urgence pour pousser Justin Trudeau à attaquer férocement Donald Trump. Dans son rôle de premier ministre, monsieur Trudeau devra négocier avec le président américain. Un peu de réserve m’apparaît appropriée.
Mais Thomas Mulcair et sa troupe savent que les électeurs de gauche se lèvent la nuit pour détester Trump. Trudeau est coincé, il y a des points à marquer là.
En somme, Justin Trudeau a gagné haut la main l’élection en arrachant le vote de centre gauche au NPD. La revanche est douce au coeur des néo-démocrates, mais trop pleine de fiel.