20 années dans les ligues majeures du monde interlope
Le livre Histoire du crime organisé à Montréal de 1980 à 2000, qui paraîtra le 22 février, relate deux décennies de règlements de compte, de luttes de pouvoir, de trahisons et de coups d’éclat dans le monde interlope. Son auteur, l’ex-analyste du renseign
Avec cet ouvrage, et votre précédent paru en 2014, vous avez maintenant retracé un siècle de l’histoire du crime organisé à Montréal. Que fautil retenir des années 80 et 90? On peut dire que, dans l’ensemble, Montréal est devenue le pôle d’attraction des organisations criminelles d’envergure internationale. Le milieu interlope montréalais s’est davantage mondialisé à partir des années 1980, avec l’arrivée d’organisations criminelles sophistiquées, telles que les cartels colombiens de la drogue et les bandes de motards aux nombreuses ramifications dans le monde. Cela sans oublier le clan sicilien, lequel, sous l’égide de la famille Rizzuto, a établi sa mainmise non seulement à Montréal, mais aussi au Canada.
La violence demeure omniprésente dans ce milieu, mais serait-il exact d’avancer qu’elle a atteint son paroxysme pendant ces deux décennies? Je dirais que oui, surtout du côté des bandes de motards. Les Hells Angels se sont implantés au Québec en 1977, en tentant non seulement d’éliminer leurs principaux adversaires, les Outlaws, mais aussi en imposant par la violence leur suprématie sur les autres groupes de motards qui évoluaient un peu partout au Québec. La mafia italienne n’a pas été en reste non plus, dans la région de Montréal. Vous retracez la fin de règne du clan Cotroni sur la mafia montréalaise. Voyez-vous des similitudes avec celle du clan Rizzuto à laquelle on semble assister? Plus ou moins, en fait. Le clan Cotroni, ou plutôt le clan des frères Violi, a été renversé en 1977 et 1978 dans le sang par la faction sicilienne dirigée par les Rizzuto. Les frères Vincenzo et Frank Cotroni ont été épargnés. Vincenzo, le chef, avait encore droit au respect de la part des Siciliens et de la famille Bonanno de New York. En ce qui concerne l’effondrement du clan Rizzuto, auquel on assiste depuis 2004, année de l’arrestation de Vito Rizzuto, il s’agit, à mon avis, ni plus ni moins que d’un putsch interne. Des factions siciliennes sont parvenues à éliminer les dirigeants de la famille Rizzuto tout en cherchant à prendre le contrôle de l’organisation. Mais aussi, des gens appartenant à la faction calabraise, ou qui la soutiennent, tentent de prendre leur revanche en remplaçant les Siciliens à la tête de la mafia de Montréal. Voilà ce qui fait de ce conflit une affaire des plus complexes et jamais vue en Amérique.
Les années 1980 ont donné naissance aux délateurs québécois. Lequel d’entre eux a eu le plus d’impact ? Je dirais Donald Lavoie et aussi, dans une certaine mesure, Réal Simard, qui avait réussi à gagner la confiance de Frank Cotroni. Quant à moi, Donald Lavoie a été le modèle par excellence des délateurs, notamment pour son sérieux et sa détermination à tailler en pièces le clan des frères Dubois, pour lequel il a commis tant de meurtres. Lavoie s’est senti trahi par son chef, Claude Dubois. Il n’a jamais véritablement compris pourquoi on a voulu attenter à sa vie. Il a pris son rôle de délateur au sérieux et il s’en est strictement tenu à la vérité lorsqu’il témoignait contre ses anciens comparses devant les tribunaux.