Le Journal de Quebec

«Hey Chinois!» lui crient des policiers du SPVM

Arrêté parce qu’il faisait son jogging dans la rue

- DOMINIQUE SCALI

Un juge a donné raison à un homme d’origine vietnamien­ne qui a refusé de s’identifier à deux policiers de Montréal qui lui ont manqué de respect en l’appelant «Hey Chinois». Un épisode qui lui a rappelé ses années de prison sous le régime communiste.

«Jamais je n’avais vécu une chose pareille au Canada en 25 ans», dit Quoc Nimh Nguyen, l’indignatio­n perceptibl­e à travers la timidité de sa voix.

M. Nguyen a le profil opposé à celui du cliché criminel. Âgé de 62 ans, le résident de Montréal a complété une formation pour devenir prêtre.

DUR À CROIRE

Rien ne permettait donc de croire que M. Nguyen allait être arrêté pour avoir entravé le travail d’un agent de la paix le 27 février 2015. Dans un jugement rendu public le 14 février dernier, un juge de Montréal l’a acquitté. «Je n’ai aucune hésitation à croire le défendeur», a écrit le juge Randall Richmond, de la Cour municipale.

L’incident se produit un matin enneigé. M. Nguyen sort comme à l’habitude pour faire son jogging et tai chi, mais préfère courir dans la rue que sur le trottoir trop glacé. C’est alors qu’il croise les agents Livio Pasin et Justin Desroches, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), dont un qui lui dit de remonter sur le trottoir. Il obtempère puis entend un des agents l’appeler «Hey Chinois!».

En le tutoyant, les policiers l’obligent alors à s’identifier. M. Nguyen refuse. «Il considère cela comme un manque de respect et de politesse et es- time avoir été victime d’un traitement injuste et même raciste», indique le jugement.

D’autant plus que cela lui rappelle les injustices qu’il a vécues au Vietnam, avant d’être accueilli comme réfugié au Canada. Car en tant que catholique pratiquant, il a subi la répression du régime communiste et a passé quatre ans en prison. En réaction, les chrétiens avaient l’habitude de garder le silence en guise de résistance passive.

Les policiers décident donc de le menotter et de l’amener au poste de police, où ils ne peuvent toujours pas l’identifier. Étant en habit de jogging, il n’a pas de carte d’identité.

On lui propose de parler à un avocat au téléphone. Il refuse, ne croyant pas qu’il s’agit d’un vrai avocat. Lors de sa comparutio­n, il refuse toujours de se nommer. Il passe donc la fin de semaine en prison, le tout parce que les policiers voulaient lui remettre une contravent­ion de 15 $ pour avoir marché sur la chaussée.

PLAINTE EN DÉONTOLOGI­E

Or, le juge a consulté le Code de la sécurité routière, qui permet de marcher dans la rue si le trottoir n’est pas sécuritair­e, comme lorsqu’il est glacé. «M. Nguyen a refusé de donner son nom parce que ses droits ont été violés. Il ne l’a pas fait dans l’intention de rendre plus difficile le travail légitime d’un agent de la paix», a conclu le juge Richmond avant de le déclarer non coupable.

Quant à l’altercatio­n «Hey Chinois», il s’agit «d’une étiquette nationale ou ethnique [...] sans aucune raison valable», blâme le juge.

M. Nguyen attendait d’avoir un jugement de la Cour pour déposer une plainte en déontologi­e, ce qu’il compte faire prochainem­ent. Le SPVM n’a pas rendu nos appels.

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quoc nimh nguyen Arrêté par le SPVM

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