Nos yeux dans le Grand Nord
Les Rangers font un expédition de 4000 km en motoneige afin de pratiquer leurs opérations de sauvetage
KUUJJUAQ | Le visage buriné par le froid, Sammy Etok patrouille depuis près de 10 ans les steppes du Nord-du-québec. Le Ranger inuit de l’armée canadienne a appris ce qu’était le don de soi et la générosité en côtoyant des soldats.
«Le programme a changé ma vie, a confié l’homme de 50 ans rencontré sur une banquise située à 90km au nord-est de Kuujjuaq. Avant, j’étais plus égoïste, je ne pensais qu’à moi. Avec toutes les formations de survie que j’ai reçues dans les Rangers, je ne peux plus me permettre d’être comme ça. Je dois aider les gens autour de moi, c’est mon devoir.»
À TEMPS PARTIEL
Les Rangers sont déployés en moyenne 15 fois dans l’année, majoritairement pour les opérations de recherche et de sauvetage dans les territoires éloignés.
Comme ils ne sont payés que lorsqu’ils sont «activés», la plupart d’entre eux ont un emploi à temps plein dans leur village d’origine.
Le sergent Etok, qui est aussi technicien en système de chauffage, fait partie des nombreux Rangers qui participent à l’exercice AQIKGIK, une expédition en motoneige de près de 4000 km qui vise à montrer tout ce dont ils sont capables. Le Journal les a rencontrés ces derniers jours à mi-chemin, près de Kuujjuaq. Au cours de la journée, la température a oscillé entre -30 et -40 degrés Celsius.
Originaire de Kangiqsualujjuaq, un village nordique de 942 âmes, Charlie Etok est membre des Rangers depuis une trentaine d’années.
L’inuit de 52 ans est un élément-clé du programme en raison de sa grande connaissance des méthodes de survie traditionnelle.
RETOUR AUX SOURCES
«Avec les années, les jeunes ne savent plus chasser, pêcher et s’orienter, a raconté le quinquagénaire. Ce retour aux sources est vraiment important, non seulement pour notre culture, mais pour leur propre sécurité. Ce n’est pas facile de vivre ici. Tu dois être prêt à tout.»
Au cours de sa carrière dans l’armée, Charlie Etok a inspiré plusieurs personnes à devenir Ranger. Sa plus grande fierté demeure toutefois sa fille Nancy Kooktook, l’une des premières femmes autochtones du Québec à s’être imposée dans un programme autrefois typiquement masculin.
La mère de famille de 29 ans a dû composer avec les préjugés de ses confrères à ses débuts, mais elle se sent aujourd’hui parfaitement à sa place. «Le meilleur moyen de se faire accepter, c’est de rester soi-même», a-t-elle dit, les yeux brillants de bonheur.
Comme tous les autres Rangers canadiens, Nancy Kooktook reçoit deux fois par année une formation militaire de base de l’armée de terre. Elle sait prodiguer les premiers soins, elle est armée et sait se servir de sa carabine. Elle peut se retrouver en forêt et elle sait où trouver de l’eau et de la nourriture en situation de survie.
PAS UNE SOLUTION PARFAITE
Même si le programme des Rangers canadiens «n’est pas parfait», il demeure la «seule solution que le gouvernement a les moyens de se payer», a expliqué le lieutenant-colonel Bruno Plourde, commandant de la section québécoise.
«Les Rangers sont nos yeux et nos oreilles dans les territoires éloignés, a-til précisé. Évidemment, ils ne peuvent pas être partout. L’idéal serait une couverture par satellite pour surveiller tout le territoire, mais ce n’est pas possible financièrement.»