Le Journal de Quebec

Le pardon est-il toujours nécessaire?

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Je suis divorcée d’un homme qui, après 28 ans de vie commune, est parti avec une poupée de 22 ans, l’âge de notre aînée. Ce tremblemen­t de terre difficile à encaisser pour une mère qui se croyait à l’abri du malheur tant j’étais heureuse avec mes deux filles et celui que je croyais être l’homme de ma vie, a eu lieu il y a cinq ans. Je n’en suis pas encore remise. Il a beau m’avoir cédé la maison familiale, une voiture, l’usufruit d’un chalet dans les Laurentide­s et une partie de ses REER suite aux poursuites intentées, je n’en reste pas mois très amère et je ne rate pas une occasion de le lui rappeler.

Te retrouver en solo à 50 ans après avoir consacré une grosse partie de ta vie à ton homme, et à la famille que nous avions bâtie ensemble, ça n’a rien de réjouissan­t pour une femme qui y a de plus sacrifié ses talents. Oui j’aurais pu avoir une carrière épanouissa­nte comme la poupée que mon ex a dans sa vie présenteme­nt. Mais voilà où ça m’a menée d’avoir opté pour le sacrifice afin de rendre mon monde heureux.

Rendue à 55 ans, je ne vois pas de bleu à l’horizon. Certaines de mes amies ayant vécu pareil affront ou devenues veuves, me confirment que rendu à notre âge, la possibilit­é de rencontrer quelqu’un est quasi nulle. Trop vielle pour me remettre sur un marché du travail dont j’ai perdu les codes depuis trop longtemps, je suis de plus condamnée à me contenter de sorties entre amies ou avec mes filles et leurs conjoints, quant ils daignent m’inviter.

Parce que là aussi j’ai frappé un mur. On m’a bien soutenu quand mon train familial a déraillé, mais depuis deux ans environ, mes filles refusent de m’écouter parler de me malheurs comme elles refusent de m’entendre leur parler de leur père. Je suis réduite au silence, parce que paraît-il, je radote. Mais surtout parce qu’après cinq ans, je devrais m’être faite à l’idée que leur père ne me reviendrai­t plus jamais, donc que je devrais lui pardonner.

Non mais qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre? Tu pardonnes quand quelqu’un prend la peine de s’excuser, mais certaineme­nt pas quand quelqu’un se fiche de ta gueule et t’humilie devant tout le monde comme c’est mon cas. Il n’a jamais eu la moindre envie de venir quémander mon pardon, alors pourquoi est-ce que prendrais la peine de le lui accorder? Et lui pardonner quoi? Sa traitrise? Mais ça ne se pardonne pas une traitrise, ou alors on n’a pas de colonne vertébrale! L’injure qu’il m’a faite est impardonna­ble et aussi longtemps que j’existerai je m’organisera­i pour la lui remettre sur le nez.

Mes filles m’évitent, je vois de moins en moins mes petits-enfants parce que je suis trop en colère, et bien je vais vivre avec ça. Je ne suis quand même pas désespérée au point de m’humilier devant leur père qui file le parfait bonheur avec sa poupée pendant que moi je rame pour trouve un petit peu de satisfacti­on dans l’existence. Y’a quand même des maudites limites! Ouf que ça fait du bien de se décharger le coeur! Anonyme

Je commencera­i par vous répéter et vous inciter à méditer sur une pensée du jour écrite par Lytta Bosset parue il y a quelques jours : « On a trop souvent fait du pardon un but en soi. Et s’il s’agissait plutôt de tourner la page pour pouvoir enfin se libérer? »

En vous maintenant ainsi volontaire­ment dans le ressentime­nt, vous ne réussissez qu’une chose : éloigner tout le monde de vous. Si c’est ça que vous souhaitez, allezy, vous êtes sur la bonne voie de l’isolement total. Mais si une once de bon sens vous effleure l’esprit, vous prendrez conscience que sans la paix du coeur, aucun plaisir de vivre ne vous sera jamais accessible. À vous de choisir!

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