Le Journal de Quebec

Prix mérités ou charité ?

- richard Martineau richard.martineau@quebecorme­dia.com

Si la cérémonie des Oscars a prouvé une chose (à part le fait qu’il ne faut pas dire que La La Land a remporté l’oscar du meilleur film quand la carte que l’on tient dans ses mains dit qu’emma Stone a remporté l’oscar de la meilleure actrice), c’est que les histoires de quotas et de discrimina­tion positive peuvent être sacrément pernicieus­es.

UNE BONNE RÉCOLTE

Rappelez-vous, l’an dernier, aux Oscars, on ne parlait que d’une chose: à quel point les artistes afroaméric­ains étaient sous-représenté­s.

«Il faut absolument remédier à cette situation l’année prochaine», s’est-on juré.

Or, cette année, non seulement de nombreuses vedettes afro-américaine­s sont montées sur scène pour remettre des prix, mais plusieurs sont reparties avec une statuette: Viola Davis (meilleure actrice de soutien) pour Fences, Mahershala Ali (meilleur acteur de soutien) pour Moonlight, Barry Jenkins (meilleur scénario adapté) pour Moonlight et l’oscar du meilleur film à Moonlight.

Bref, c’était une excellente récolte pour les Brothers and Sisters.

Pour avoir vu Moonlight, je peux vous dire que les prix que cette oeuvre a remportés sont parfaiteme­nt justifiés.

En fait, j’ai poussé un soupir de soulagemen­t lorsque j’ai appris que La La Land (qui m’a laissé plutôt froid) n’avait finalement pas décroché la statuette la plus prestigieu­se de la soirée.

«Justice est faite!», me suis-je dit.

LA BONNE COULEUR?

L’effet pernicieux de la discrimina­tion positive...

Mais à la lumière de ce qui s’est passé l’an dernier, plusieurs personnes se sont dit: «Si autant de Noirs ont remporté un prix cette année, c’est parce qu’il fallait corriger les erreurs du passé.»

Bref, si trois artistes afro-américains ont remporté quatre prix dans des catégories aussi prestigieu­ses, ce n’est pas parce qu’ils sont hyper talentueux (ce qui est vrai), mais parce qu’ils sont de «la bonne couleur».

Ce ne sont pas leurs pairs qui les ont couronnés, mais la rectitude politique, les modes de l’époque, la «honte de l’homme blanc».

Voilà ce que font les croisades en faveur des quotas et de la discrimina­tion positive: elles transforme­nt le mérite en prix de consolatio­n.

«On sait bien, il a eu ce prix parce qu’il est noir, on lui a accordé cette bourse parce qu’elle est une femme, elle a obtenu ce poste parce que c’est une Amérindien­ne…

«Elle a été nommée lieutenant­egouverneu­re parce qu’elle est en fauteuil roulant.»

Vous pensez que ça aide les minorités, ça? Non: ça les dessert. Totalement.

Ça pousse des gens à avoir des soupçons. Ça encourage les doutes.

Et ça enlève de la valeur aux plus grands exploits.

CHAPEAU!

Moonlight (qui raconte la jeunesse difficile d’un homosexuel à Los Angeles) est un grand film.

Ce n’est pas «un grand film noir» (on n’y voit aucun Blanc, ce qui est rarissime à Hollywood), c’est un grand film, point.

Qui n’a pas besoin d’une campagne contre le racisme pour mériter les plus grands honneurs.

Ce n’est pas la rectitude politique qui a gagné, dimanche soir. Ce n’est pas la lutte contre la discrimina­tion.

C’est un sacré bon auteur-réalisateu­r qui se nomme Barry Jenkins.

Il n’avait besoin d’aucun lobby pour tirer son épingle du jeu.

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Moonlight de l’auteurréal­isateur Barry Jenkins a remporté l’oscar du meilleur film.

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