Le Journal de Quebec

Dur métier

- DENISE BOMBARDIER Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Les réseaux sociaux ne sont pas faits pour les âmes sensibles et ceux qui, derrière une carapace rugueuse, sont en déficit d’estime de soi.

Une des vedettes du féminisme ultraradic­al, Judith Lussier, jette l’éponge. Elle ne supporte plus les insultes de ceux qui, comme elle, se servent des réseaux sociaux comme un terrain de guerre. Elle abandonne donc sa collaborat­ion au journal Métro.

Citons La Fontaine. Un mal qui répand la terreur,/mal que le Ciel en sa fureur/ Inventa pour punir les crimes de la terre,/ La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom),/…/faisait aux animaux la guerre.

La peste s’appelle aujourd’hui les trolls. Mais aussi tous ces militants aveuglés, enragés, intellectu­ellement limités qui sévissent sur la Toile où ils accèdent au plaisir pervers de la cruauté des faibles.

Les chroniqueu­rs de métier, comme tous les animaux de La Fontaine, sont atteints également par cette peste. Ils ont désormais un statut qui s’apparente à celui de correspond­ant de guerre. On tire à boulets rouges sur eux. On les insulte; on les diffame. Et des trolls qui les connaissen­t personnell­ement se rappellent à leurs mauvais souvenirs.

DIFFUSION ILLIMITÉE

Ce phénomène est généralisé. Rappelons qu’avant internet, les offenseurs existaient. Mais sans la technologi­e actuelle, la diffusion de l’infamie était forcément limitée.

Judith Lussier, celle-là même qui s’exprime depuis des années au lanceflamm­e, traite d’hétérosexi­stes les femmes qui font l’éloge de la maternité. Cette même militante affirme aussi que l’allaitemen­t est le symbole de l’esclavage. Ses propos si pondérés, si respectueu­x et si délicats déclenchen­t des réactions violentes. Elle est devenue la «chouchoute» des trolls, si l’on peut s’exprimer ainsi.

Tout au début de ma carrière, un vieux confrère de Radio-canada (Paul-Émile Tremblay, pour les lecteurs plus âgés) m’avait surprise en pleurs après une entrevue qui m’avait valu des critiques. «Pour faire un métier public, il faut être blindé psychologi­quement. Sans quoi, ma petite, il te faut quitter la télévision», m’avait-il conseillé affectueus­ement.

Les réseaux sociaux ne sont pas faits pour les âmes sensibles et ceux qui, derrière une carapace rugueuse, sont en déficit d’estime de soi.

RESPECT

Les blogueurs qui font métier de hérisser et de provoquer leurs lecteurs doivent bien comprendre que l’objectif n’est pas de se faire aimer, mais respecter. L’amour est un sentiment partagé avec des intimes.

Les technologi­es actuelles ont des effets pervers imprévisib­les lors de l’invention d’internet, cette Toile qu’on sanctifiai­t et dont on annonçait qu’elle deviendrai­t le porche de cette église universell­e mondialist­e qui allait nous rapprocher. Les angéliques assuraient que les réseaux sociaux atténuerai­ent nos différence­s et joueraient un rôle pacificate­ur. Quelle utopie!

L’homme est né bon, disait Jean-jacques Rousseau, mais c’est la société qui le corrompt. Il avait tout faux. Voltaire, qui se moquait cruellemen­t de Rousseau, avait une vision moins béate et plus réaliste de l’homme. Nous vivons une époque tourmentée, où seuls les forts survivent. Où les sages sont armés pour guerroyer contre tous les frustrés de la terre, donc de la Toile.

Pour survivre dans cette jungle réseautée, il faut s’attendre au pire et ne pas se laisser berner par des fans- amis de Facebook. Et il faut surtout s’appuyer sur quelques valeurs et des conviction­s qui méritent d’être assumées publiqueme­nt.

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