Le Journal de Quebec

Le bras de fer

- josée legault eblogueuse ∫ au Journal Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique cjosee.legault@quebecorme­dia.com L @joseelegau­lt

En pleine montée populiste de droite, anti-immigratio­n et isolationn­iste, l’écosse s’entête fort heureuseme­nt à ramer à contrecour­ant. Face au déclenchem­ent imminent du Brexit par le Royaume-uni, la première ministre écossaise brandit la menace d’un référendum pour 2018 ou 2019.

Le plan de Nicola Sturgeon est le suivant: une fois que seront connues les conditions de sortie de l’union européenne pour le Royaume-uni, le choix des Écossais entre le Brexit et l’indépendan­ce se ferait par voie référendai­re.

Aussi prévisible fût-elle, la déclaratio­n de Mme Sturgeon a été reçue à Londres comme un tremblemen­t de terre: «La semaine prochaine, je demanderai au Parlement écossais de m’autoriser à trouver un accord avec le gouverneme­nt britanniqu­e pour lancer la procédure permettant au Parlement écossais de légiférer pour un référendum sur l’indépendan­ce.»

Déterminée à ne pas soumettre l’écosse aux conséquenc­es désastreus­es d’une sortie trop brutale de l’europe, elle prépare le terrain depuis des mois. Le bras de fer qui l’oppose à son homologue britanniqu­e Theresa May s’annonce déterminan­t pour l’écosse.

Rappelons que, l’an dernier, 62 % des Écossais avaient voté contre le Brexit. Au référendum écossais de septembre 2014, ils étaient déjà 45 % à dire oui à l’indépendan­ce. Selon les sondages, le Oui frôle maintenant les 50 %.

CARTE ULTIME

Les sondages ont beau être changeants, pour Theresa May, la menace d’un éclatement possible du Royaume-uni risque de plomber les négociatio­ns longues et complexes sur le Brexit. Pour Nicola Sturgeon, c’est la carte ultime à jouer.

Ou bien Theresa May, pour éviter une nouvelle crise nationale, finira par négocier avec l’écosse des conditions distinctes et plus favorables que le Brexit «dur». Ou bien Mme Sturgeon, pour protéger les intérêts nationaux de l’écosse et son appartenan­ce à l’europe, poussera l’enveloppe jusqu’à tenir un référendum.

Aux antipodes de l’isolationn­isme ambiant, les arguments de Mme Sturgeon sont solides. L’objectif, explique-t-elle, est de préserver l’accès de l’écosse à l’immense marché qu’est l’union européenne. Elle dit aussi vouloir protéger l’«ouverture» et la «diversité» de la société écossaise du repli identitair­e qui, du moins en partie, explique le vote proBrexit des Britanniqu­es.

Lorsqu’elle appelle l’écosse à «décider de son avenir», Nicola Sturgeon espère surtout qu’un Brexit version «dure» puisse enfin convaincre une majorité d’écossais de quitter le Royaume-uni.

LA LEÇON

Pour le Québec, c’est le rappel d’un principe martelé maintes fois par Jacques Parizeau: «Un petit pays peut prospérer à condition d’appartenir à un ou plusieurs grands marchés.»

Pour le Parti québécois, la leçon donnée par Mme Sturgeon est cristallin­e, mais elle arrive trop tard, à savoir qu’il est imprudent de fermer la porte à tout référendum pour un mandat, un contexte peu favorable pouvant se transforme­r rapidement en opportunit­é.

En 1981, René Lévesque avait promis de ne pas tenir de référendum si le PQ était réélu. Incapable de jouer cette carte essentiell­e en réaction à l’imposition d’une nouvelle constituti­on canadienne réduisant les pouvoirs du Québec, il s’en est trouvé fort dépourvu.

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La première ministre de l’écosse, Nicola Sturgeon, a l’intention de demander à ses concitoyen­s de choisir par référendum entre le Brexit et l’indépendan­ce de son pays.
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