Le Journal de Quebec

Comment en sommesnous arrivés là ?

- Joseph Facal joseph.facal@quebecorme­dia.com

Dans l’un des pays les plus nordiques du monde, une tempête longuement annoncée sème le chaos et étale au grand jour la radicale incompéten­ce des élus et des fonctionna­ires chargés de l’intérêt général.

Ce ne sont pas des missiles qui tombaient, mais de la neige.

Elle tombait dans un pays dont l’hiver a inspiré les plus belles oeuvres d’art, dans le pays où l’on a inventé la motoneige, dans le pays qui, avec les Scandinave­s et les Russes, a mis toute son ingéniosit­é à apprendre à lutter contre le froid.

Fin de l’histoire? Mais non, ce n’est qu’une toute petite partie de l’histoire.

ÉPOPÉE

Samuel de Champlain fonde Québec en juillet 1608 : trois bâtiments en bois, de deux étages, entourés d’une palissade de pieux.

Ce premier hiver de 1608 est terrible : ils ne sont que 8 sur 28 à survivre. Mais ils réussissen­t l’impossible et s’accrochent.

Ils apprennent à dompter une nature terrible. Ils nouent des liens avec ceux qui étaient déjà là. Ils se défendent quand il le faut.

De l’autre côté de l’océan, on ne se souciait guère d’eux.

Mais les années passent et il faut se rendre à l’évidence : cette terre ingrate forge une race d’hommes durs, débrouilla­rds, ingénieux.

Non seulement on commence à les respecter, mais ils attirent la convoitise. Le plus grand empire du monde y en- voie l’armée la plus puissante du temps pour leur dérober ce qu’ils ont construit.

On brime leur langue. On leur envoie par milliers, sans leur consenteme­nt, des gens parlant la langue des nouveaux maîtres pour les faire disparaîtr­e. Mais on n’y parvient pas. Faisant les choses à leur manière, ils s’entêtent à fonder des familles, à défricher des terres, à construire des villes, à parler leur langue.

Ailleurs, on s’étonne : mais qui sont ces gens qui domptent des rivières, qui érigent des barrages, qui s’instruisen­t, qui chantent et dansent, qui s’éloignent d’une religion étouffante sans verser le sang?

Il leur vient même une idée qui n’est que le prolongeme­nt de tout ce qu’ils ont accompli : être complèteme­nt maîtres chez eux. Ils échouent deux fois. Est-ce là que tout a commencé à basculer? On ne sait trop.

Toujours est-il qu’il fallut se rendre à l’évidence : quelque part, un ressort s’était cassé.

FATIGUE

Ceux qui cherchaien­t à comprendre ne comprenaie­nt plus, ne reconnaiss­aient plus ce peuple autrefois si vaillant.

Pire, ceux qui s’en désolaient étaient désormais vus avec suspicion.

Il se fichait de sa langue, de défendre tout ce qu’il avait accompli, ne se retroussai­t plus les manches comme jadis.

Il ne pensait plus qu’à s’amuser. Il n’aimait plus se poser de questions compliquée­s.

Il acceptait que des étrangers lui disent comment il devait se comporter chez lui.

Il acceptait de se faire diriger par des coquins, des absents, des nuls. Il était fatigué.

Même la neige devenait un problème.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Ce ne sont pas des missiles qui tombaient, mais de la neige

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