Le Journal de Quebec

Ma vision de l'éducation

- mathieu Bock-côté

Carlos Leitao a réussi à faire passer son message: son budget de mardi était celui de l’espoir retrouvé en éducation.

D’un chroniqueu­r à l’autre, on l’en félicite. Bravo pour ces millions! On aurait envie de jouer de la trompette avec eux.

Je persiste à croire une chose, toutefois. En éducation, l’argent à lui seul ne fait pas le bonheur.

On aurait beau rajouter mille milliards de dollars par année, sur le plan des principes, il y aurait encore quelque chose de déréglé dans notre système d’éducation.

MISSION

Quoi donc? Notre vision de l’école, justement.

Qu’attendons-nous d’elle? Quelle mission voudrait-on qu’elle joue? Quelle philosophi­e l’anime? Ce sont des questions essentiell­es.

Traditionn­ellement, l’école devait transmettr­e une culture. Elle devait inscrire les nouvelles génération­s dans une civilisati­on et les familiaris­er avec son histoire, sa géographie, ses grandes oeuvres et ses savoirs fondamenta­ux.

Elle devait apprendre à lire, à écrire, à parler, et pourquoi pas, à bien parler. Elle devait donner aux jeunes esprits le goût de la culture et du silence méditatif.

L’école a renoncé à cette philosophi­e. Elle l’a fait sous la double pression de la droite économique et de la gauche politiquem­ent correcte.

La première voulait que l’école forme de futurs travailleu­rs malléables et adaptés au marché.

La seconde rejetait massivemen­t notre héritage de civilisati­on. Elle voulait plutôt que l’enfant construise lui-même son propre savoir, sans être «écrasé» par le monde d’hier. Il fallait alors couper les liens avec le passé. Nous avons mutilé les âmes.

Je cède un instant à un fantasme: je m’imagine ministre de l’éducation.

Je m’efforcerai­s de rétablir le sens de la transmissi­on culturelle.

Je reconnecte­rais l’enseigneme­nt du français à celui de la littératur­e.

Je délivrerai­s l’enseigneme­nt de l’histoire du politiquem­ent correct. On y raconterai­t l’histoire du peuple québécois et de la civilisati­on occidental­e sans cette étrange manie culpabilis­ante qui pousse la jeune génération au déracineme­nt.

On l’aura compris: mes premières décisions ne seraient pas budgétaire­s. Je voudrais réformer culturelle­ment l’école. J’y rétablirai­s le culte du silence, de la concentrat­ion.

Chaque jour, les élèves liraient une bonne heure en silence.

À l’école, pas de textos, mais des grands textes.

J’apprendrai­s aux élèves à admirer les grands ancêtres et les grandes oeuvres. Je leur inculquera­is la passion de l’histoire, de la géographie, des sciences naturelles.

RUPTURE

Il y aurait une grande rupture: assez de l’obsession des nouvelles technologi­es. Assez des nouvelles méthodes pédagogiqu­es où les connaissan­ces sont sacrifiées aux compétence­s.

Le professeur en pleine maîtrise de sa matière serait de retour. Mais je m’assurerais aussi que les professeur­s soient formés en conséquenc­e.

L’école ne traiterait plus les élèves comme des cobayes au service des savants fous du ministère de l’éducation, mais comme de futurs citoyens appelés à enrichir l’héritage légué par leurs devanciers.

Pour cela, il faut moins des milliards que des idées claires et du courage politique. Ces dernières ressources sont encore plus rares que les milliards.

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Selon le ministre des Finances du Québec Carlos Leitao, le budget de mardi est celui de l’espoir retrouvé en éducation.

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