Les illusionnistes au pouvoir
WASHINGTON | On ne sait pas où on s’en va!
C’est le problème avec les «faits alternatifs», ces alternative facts que la conseillère du président américain, Kellyanne Conway, évoquait pour expliquer comment la Maison-blanche pouvait voir la plus grande foule de l’histoire à l’investiture de Donald Trump, alors que c’était faux : avec les «faits alternatifs», on voit ce qu’on veut quand on le veut.
Demain et vendredi, à son complexe de Mar-o-lago en Floride, la Southern White House comme il se plaît à l’appeler, le président Trump va recevoir le président chinois Xi Jinping.
Les relations entre les États-unis et la Chine sont les plus importantes sur la planète tout entière. Les deux premières puissances économiques ont développé des échanges commerciaux complexes, tendus même. Et pourtant, les deux géants ont besoin l’un de l’autre.
Le président Xi est un homme austère. Il a une sorte d’éternel sourire brumeux sur le visage et se tient toujours droit dans son habit foncé. Pas de grand éclat, pas de surprise : tout ce qu’il dit publiquement a été longuement réfléchi auparavant. Le président Trump est tout l’inverse. Sauf pour le sourire brumeux : Donald préfère la face de boeuf.
ON VIT DANS LE FLOU
Imprévisible et provocateur, le président américain s’est déjà laissé aller : «Finis les déficits commerciaux massifs avec les Chinois et les pertes d’emplois!». Ça, c’est le volet économique. Pour ce qui est de la sécurité régionale, il a résumé ses intentions en quelques mots au Financial Times : «Si la Chine ne règle pas le cas de la Corée du Nord, les États-unis vont s’en charger.»
Le problème, c’est qu’on ne mène pas une politique étrangère en fanfaron, surtout pas avec les Chinois qui sont sur un élan économique et mili- taire. Les tensions à l’intérieur de la Maison-blanche et la personnalité du président font en sorte qu’on ne sait pas trop ce qu’attend le gouvernement américain de ce face-à-face avec le dirigeant chinois et ce qu’il sera capable d’obtenir. La Syrie est un autre cas de trompel’oeil. En campagne présidentielle, Donald Trump avait vulgairement promis de réduire à rien les combattants de l’état islamique (Bomb the shit out of ISIS!). Ce qu’on n’avait pas vu venir, c’est que son gouvernement allait, en fait, se laver les mains du sort des Syriens eux-mêmes.
ENTRE L’HORREUR ET LE DÉTACHEMENT
Le secrétaire d’état, Rex Tillerson, puis le porte-parole du président, Sean Spicer, ont répété mot à mot à quelques jours d’intervalle la même réponse à la question : «Bachar al-assad est-il le président légitime de la Syrie», après six années de massacre de son propre peuple? «Il faut accepter la réalité politique, les faits sur le terrain.» Bref, comme le répètent les Russes depuis le début, Assad est là pour rester.
Ce qui donne l’ahurissant communiqué émis hier par la Maison-blanche après le massacre à l’arme chimique de civils innocents dans la province d’idlib, en Syrie. «Cette attaque chimique est déplorable (…) et ne peut pas être ignorée. Les actions haineuses du régime de Bachar al-assad sont la conséquence de la faiblesse et de l’indécision du gouvernement précédent (celui d’obama).»
Assad est un salaud, mais le coupable, c’est Obama. Les faits – l’attaque chimique, les morts, les enfants étouffés – n’y changeront rien. On ne voit vraiment que ce que l’on veut voir.
Les relations entre les États-unis et la Chine sont les plus importantes sur la planète tout entière.