LA SANTÉ PUBLIQUE PRÊTE À COMBATTRE LES SUPERBACTÉRIES
Des médecins craignent qu’elles fassent de nombreux décès au cours des prochaines années Héloïse Archambault
Afin d’éviter une «hécatombe épouvantable», la Santé publique du Québec lancera un plan d’action sur cinq ans pour s’attaquer aux «superbactéries» résistantes aux antibiotiques.
«C’est un enjeu majeur, dit Daniel Thirion, pharmacien au Centre universitaire de Santé Mcgill. Des patients vont en décéder, malheureusement.»
«Si on prend les bons moyens maintenant, on va limiter beaucoup leur propagation (superbactéries) et leurs impacts, ajoute le Dr Yves Jalbert, directeur de la protection de la Santé publique. Il faut être attentif. Si on ne fait rien, c’est clair qu’on court à la catastrophe.»
PHÉNOMÈNE MONDIAL
La résistance des superbactéries aux antibiotiques est un phénomène mondial, et le Québec n’y fait pas exception. Déjà, les médecins traitent des bactéries résistantes pour des cas de gonorrhée ou d’infections urinaires.
Résultat? Certains patients doivent recevoir des médicaments plus puissants, ou même être hospitalisés pour un traitement intraveineux.
«Imaginez l’impact sur le système de santé, souligne le Dr Louis Valiquette, microbiologiste-infectiologue au CHU de Sherbrooke. Ce qui m’inquiète, c’est la capacité à donner des soins.»
En 2015-2016, au moins 39 décès ont été liés à deux superbactéries, selon le ministère de la Santé (MSSS). Or, la situation globale n’est pas encore claire.
À plus long terme, l’impossibilité de traiter des cancéreux ou des gens greffés entraînerait beaucoup de décès.
«Ce serait une hécatombe épouvantable, avoue le Dr Jalbert. C’est une issue à laquelle on ne veut pas arriver.»
PLAN D’ACTION
Devant ce constat, la direction provinciale de la Santé publique lancera cette année un plan d’action quinquennal pour lutter contre les superbactéries. On vise entre autres la création d’un système informatisé pour mieux répertorier les données des hôpitaux.
«On ne part pas d’une situation où rien n’est fait, mais ce sont beaucoup des initiatives locales. […] On a la volonté d’uniformiser ce qui se passe partout», dit le Dr Jalbert.
«Si l’hôpital A fait tout ce qui est nécessaire, mais que le B ne fait rien, ça ne donnera pas grand-chose au bout du compte. Il faut assurer une couverture assez étanche», dit-il.
Au Journal, des médecins consultés pour ce plan se sont dits encouragés que le gouvernement prenne la situation au sérieux, mais attendent les actions concrètes avant de se réjouir.
Pour l’instant, le Dr Jalbert ne peut préciser le coût associé au plan, ni les économies possibles.
«Mais, c’est clair que si on laisse les choses aller, la facture va être énorme», dit-il.
Par ailleurs, un des risques est celui de contracter une superbactérie à l’étranger.
«La situation québécoise n’est pas hors de contrôle. Mais, avec la proximité du monde, on doit prendre en considération ces nouvelles bactéries, dit le Dr Valiquette, qui a participé aux travaux du plan d’action.