Le Journal de Quebec

Pourquoi gagnent-ils des millions ?

La rémunérati­on des dirigeants de Bombardier a suscité l’émoi, mais cette hausse n’est pas un cas isolé

- Philippe Orfali l orfali

L’argent empoché par les patrons est l’un des derniers tabous du monde des affaires qui a volé en éclats, la semaine dernière, lorsque les Québécois ont quasi unanimemen­t (93 % dans un sondage) manifesté leur désaccord concernant la rémunérati­on des hauts dirigeants de Bombardier. La question se pose plus que jamais: combien faut-il payer ces grands dirigeants?

Bombardier n’est pas un cas isolé: des dizaines de PDG parmi les mieux rémunérés au pays empochent de généreuses primes en plus de leur salaire, malgré des performanc­es décevantes. À l’inverse, d’autres méritent leur rémunérati­on, vu le succès que connaît leur entreprise.

Si la question des salaires des présidents-directeurs généraux (PDG) d’entreprise­s soulève les passions depuis la crise économique de 2008 aux États-unis, les Québécois se sont rarement mobilisés comme ils l’ont fait le week-end dernier. Certains ont même manifesté dans la rue, du jamais-vu.

De l’avis du directeur général de l’institut sur la gouvernanc­e d’organisati­ons publiques et privées (IGOPP), Michel Nadeau, il était temps que ça change.

Au fil des deux dernières décennies, les grands patrons de sociétés cotées en bourse en sont venus à exiger plus et plus encore, explique-t-il. Et les conseils d’administra­tion, qui sont censés s’assurer de la justesse de la rémunérati­on, se sont montrés craintifs à l’idée de mettre la pédale douce.

LE PALMARÈS 2015

Le palmarès des PDG les mieux payés au pays en 2015 révèle que plusieurs ont réussi à engranger des sommes considérab­les sous forme de bonis et d’autres avantages, et ce, même si leur entreprise éprouvait des difficulté­s.

Le salaire de base des dirigeants fait rarement sursauter. Ce sont davantage les autres composante­s de la rémunérati­on qui, souvent, suscitent la grogne.

C’est notamment le cas de la pharmaceut­ique Valeant, dont le PDG J. Michael Pearson (aujourd’hui remplacé) a reçu 185 M$, principale­ment sous forme d’actions. Pendant ce temps, l’entreprise a enregistré une perte nette de 378 M$.

Comme les options d’achat, les actions sont un incitatif à long terme: si l’entreprise prend du mieux, le PDG fera lui aussi un profit personnel appréciabl­e.

Du côté des PDG «méritants», en revanche, celui de Couche-tard, Brian Hannasch, a été à la hauteur des attentes. L’entreprise améliore ses résultats financiers d’année en année. Elle a amassé un profit de 1,2 milliard l'an dernier. M. Hannasch a touché 19,23 M$, dont une bonne partie d’options, et personne ne semble s’en plaindre.

LES BONIS AUSSI MONTRÉS DU DOIGT

En principe liés à des indicateur­s de performanc­e mesurables, les bonis figurent aussi au banc des accusés. «C’est censé être pour un effort exceptionn­el», souligne M. Nadeau, lui-même un ex-haut dirigeant de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Les circulaire­s remises aux actionnair­es révèlent souvent des objectifs beaucoup trop faciles à atteindre, selon lui. «Dans le cas de Bombardier, certains objectifs consistaie­nt à mettre à pied un certain nombre de personnes et à obtenir des fonds publics. Ils l’ont fait. Mais les vrais objectifs devraient être les profits. Un boni ne devrait jamais être automatiqu­e», dit-il.

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Alain Bellemare, PDG de Bombardier

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