Pourquoi gagnent-ils des millions ?
La rémunération des dirigeants de Bombardier a suscité l’émoi, mais cette hausse n’est pas un cas isolé
L’argent empoché par les patrons est l’un des derniers tabous du monde des affaires qui a volé en éclats, la semaine dernière, lorsque les Québécois ont quasi unanimement (93 % dans un sondage) manifesté leur désaccord concernant la rémunération des hauts dirigeants de Bombardier. La question se pose plus que jamais: combien faut-il payer ces grands dirigeants?
Bombardier n’est pas un cas isolé: des dizaines de PDG parmi les mieux rémunérés au pays empochent de généreuses primes en plus de leur salaire, malgré des performances décevantes. À l’inverse, d’autres méritent leur rémunération, vu le succès que connaît leur entreprise.
Si la question des salaires des présidents-directeurs généraux (PDG) d’entreprises soulève les passions depuis la crise économique de 2008 aux États-unis, les Québécois se sont rarement mobilisés comme ils l’ont fait le week-end dernier. Certains ont même manifesté dans la rue, du jamais-vu.
De l’avis du directeur général de l’institut sur la gouvernance d’organisations publiques et privées (IGOPP), Michel Nadeau, il était temps que ça change.
Au fil des deux dernières décennies, les grands patrons de sociétés cotées en bourse en sont venus à exiger plus et plus encore, explique-t-il. Et les conseils d’administration, qui sont censés s’assurer de la justesse de la rémunération, se sont montrés craintifs à l’idée de mettre la pédale douce.
LE PALMARÈS 2015
Le palmarès des PDG les mieux payés au pays en 2015 révèle que plusieurs ont réussi à engranger des sommes considérables sous forme de bonis et d’autres avantages, et ce, même si leur entreprise éprouvait des difficultés.
Le salaire de base des dirigeants fait rarement sursauter. Ce sont davantage les autres composantes de la rémunération qui, souvent, suscitent la grogne.
C’est notamment le cas de la pharmaceutique Valeant, dont le PDG J. Michael Pearson (aujourd’hui remplacé) a reçu 185 M$, principalement sous forme d’actions. Pendant ce temps, l’entreprise a enregistré une perte nette de 378 M$.
Comme les options d’achat, les actions sont un incitatif à long terme: si l’entreprise prend du mieux, le PDG fera lui aussi un profit personnel appréciable.
Du côté des PDG «méritants», en revanche, celui de Couche-tard, Brian Hannasch, a été à la hauteur des attentes. L’entreprise améliore ses résultats financiers d’année en année. Elle a amassé un profit de 1,2 milliard l'an dernier. M. Hannasch a touché 19,23 M$, dont une bonne partie d’options, et personne ne semble s’en plaindre.
LES BONIS AUSSI MONTRÉS DU DOIGT
En principe liés à des indicateurs de performance mesurables, les bonis figurent aussi au banc des accusés. «C’est censé être pour un effort exceptionnel», souligne M. Nadeau, lui-même un ex-haut dirigeant de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Les circulaires remises aux actionnaires révèlent souvent des objectifs beaucoup trop faciles à atteindre, selon lui. «Dans le cas de Bombardier, certains objectifs consistaient à mettre à pied un certain nombre de personnes et à obtenir des fonds publics. Ils l’ont fait. Mais les vrais objectifs devraient être les profits. Un boni ne devrait jamais être automatique», dit-il.