Le Journal de Quebec

Qu’en pensent-ils…

- PIERRE COUTURE

Le Journal s'est entretenu sur quelques enjeux de la rémunérati­on avec l’ex-président du Mouvement Desjardins, Claude Béland, et le professeur et président du c.a. de l’institut sur la gouvernanc­e, Yvan Allaire.

Le gouverneme­nt devrait-il légiférer pour limiter la rémunérati­on des hauts dirigeants des entreprise­s?

Claude Béland : Je pense que oui. Tout ce qui semble compter aujourd’hui, c’est l’argent. Or, on voit beaucoup d’inégalités au sein de nos sociétés. Beaucoup de gens ont de la misère à arriver et ils voient ces dirigeants se gaver de bonis et de salaires. La France l’a fait pour les sociétés d’état. L’état d’israël a décidé de passer une loi pour encadrer le salaire de ses banquiers. On pourrait faire de même ici. Ça prend de la volonté. Yvan Allaire : Il y a une grande résistance dans le monde des affaires. Mais on constate que les conseils d’administra­tion des entreprise­s doivent faire leur travail. S’ils ne le font pas, les gouverneme­nts vont s’en mêler. Ils vont donner aux actionnair­es des moyens d’action pour contester des rémunérati­ons inappropri­ées. On sent actuelleme­nt une insatisfac­tion assez généralisé­e au sein de la population.

Une entreprise devrait-elle offrir des bonis annuels à son pdg qui procède à d’importante­s mises à pied?

Claude Béland : Les entreprise­s ont une responsabi­lité sociale. Elles doivent contribuer au partage de la richesse. Si tu mets dehors des milliers de travailleu­rs, tu ne dois pas obtenir de bonis. Avant, on valorisait les entreprise­s qui embauchaie­nt. Aujourd’hui, c’est le monde à l’envers. On glorifie les entreprise­s qui mettent des travailleu­rs à pied. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Yvan Allaire : Encore là, le c.a. et le pdg devraient avoir une certaine réserve, une certaine retenue. Dans le cas de mises à pied, si j’étais un pdg ou membre du c.a., je dirais que l’on ne paie pas de bonis tant que l’on ne recommence pas à embaucher, et ce, peu importe la performanc­e de l’entreprise.

La crise de la rémunérati­on observée chez Bombardier au cours des derniers jours est-elle un avertissem­ent servi au monde des affaires?

Claude Béland : Bien sûr. L’«événement» Bombardier est tellement gros et exagéré. Il y a une prise de conscience qui est en train de se faire. Le pouvoir citoyen en a assez de ces inégalités. Il y a un réveil. Et le pouvoir politique ne fait rien. On constate depuis des années que le laisser-faire ne fonctionne pas. On ne peut pas créer une société tranquille de cette façon. Yvan Allaire : Oui. Si les rémunérati­ons sont jugées inappropri­ées par la société civile, c’est alors la légitimité des entreprise­s qui en souffre. Si vous n’êtes pas légitimes, vous êtes vulnérable­s à une interventi­on des politicien­s. On invite alors la politique à se mêler de la rémunérati­on.

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À gauche, Claude Béland, avocat et président du Mouvement Desjardins de 1987 à 2000. À droite, Yvan Allaire, professeur émérite à L’UQAM et président exécutif du conseil de L'IGOPP.
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