Qu’en pensent-ils…
Le Journal s'est entretenu sur quelques enjeux de la rémunération avec l’ex-président du Mouvement Desjardins, Claude Béland, et le professeur et président du c.a. de l’institut sur la gouvernance, Yvan Allaire.
Le gouvernement devrait-il légiférer pour limiter la rémunération des hauts dirigeants des entreprises?
Claude Béland : Je pense que oui. Tout ce qui semble compter aujourd’hui, c’est l’argent. Or, on voit beaucoup d’inégalités au sein de nos sociétés. Beaucoup de gens ont de la misère à arriver et ils voient ces dirigeants se gaver de bonis et de salaires. La France l’a fait pour les sociétés d’état. L’état d’israël a décidé de passer une loi pour encadrer le salaire de ses banquiers. On pourrait faire de même ici. Ça prend de la volonté. Yvan Allaire : Il y a une grande résistance dans le monde des affaires. Mais on constate que les conseils d’administration des entreprises doivent faire leur travail. S’ils ne le font pas, les gouvernements vont s’en mêler. Ils vont donner aux actionnaires des moyens d’action pour contester des rémunérations inappropriées. On sent actuellement une insatisfaction assez généralisée au sein de la population.
Une entreprise devrait-elle offrir des bonis annuels à son pdg qui procède à d’importantes mises à pied?
Claude Béland : Les entreprises ont une responsabilité sociale. Elles doivent contribuer au partage de la richesse. Si tu mets dehors des milliers de travailleurs, tu ne dois pas obtenir de bonis. Avant, on valorisait les entreprises qui embauchaient. Aujourd’hui, c’est le monde à l’envers. On glorifie les entreprises qui mettent des travailleurs à pied. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Yvan Allaire : Encore là, le c.a. et le pdg devraient avoir une certaine réserve, une certaine retenue. Dans le cas de mises à pied, si j’étais un pdg ou membre du c.a., je dirais que l’on ne paie pas de bonis tant que l’on ne recommence pas à embaucher, et ce, peu importe la performance de l’entreprise.
La crise de la rémunération observée chez Bombardier au cours des derniers jours est-elle un avertissement servi au monde des affaires?
Claude Béland : Bien sûr. L’«événement» Bombardier est tellement gros et exagéré. Il y a une prise de conscience qui est en train de se faire. Le pouvoir citoyen en a assez de ces inégalités. Il y a un réveil. Et le pouvoir politique ne fait rien. On constate depuis des années que le laisser-faire ne fonctionne pas. On ne peut pas créer une société tranquille de cette façon. Yvan Allaire : Oui. Si les rémunérations sont jugées inappropriées par la société civile, c’est alors la légitimité des entreprises qui en souffre. Si vous n’êtes pas légitimes, vous êtes vulnérables à une intervention des politiciens. On invite alors la politique à se mêler de la rémunération.