Le « sapin »
Bombardier n’est pas la seule grande entreprise où la haute direction s’est fait octroyer par le conseil d’administration une hausse abusive de rémunération, et ce, en dépit de sa piètre performance boursière ou financière.
Dans nombre de pays, de plus en plus d’actionnaires se «révoltent» contre la rémunération exagérée de leurs hauts dirigeants. Et ça commence à porter des fruits.
Le plus récent cas? La multinationale britannique BP a annoncé jeudi dernier avoir réduit de 40 % la rémunération de son directeur général, Bob Dudley, en 2016. Résultat de la pression d'actionnaires mécontents.
Le mécontentement des actionnaires a également réussi à faire suffisamment pression pour diminuer la rémunération des dirigeants chez Glaxosmithkline, Reckitt Benckiser, etc.
BLOQUER BOMBARDIER ?
Concernant Bombardier, est-il envisageable que les actionnaires puissent faire suffisamment de pression pour bloquer la spectaculaire augmentation de la rémunération du président et chef de la direction, Alain Bellemare, et de ses collègues de la haute direction? Malheureusement NON.
Pourquoi? Parce que la famille Bombardier-beaudoin, grâce aux actions multivotantes, contrôle 53,2 % des droits de vote et qu’en conséquence, elle ne va sûrement pas se tirer dans les pieds en donnant raison aux actionnaires mécontents de l’augmentation accordée à son équipe de direction. D’autant qu’à la tête du conseil d’administration de Bombardier, on trouve Laurent Beaudoin (président émérite). Et son fils Pierre (président exécutif), dont la rémunération de 3,85 millions américains (5 millions canadiens) équivaut à 10 fois la rémunération généralement accordée pour ce genre de poste.
Il est important de préciser ici que les grandes sociétés ne donnent généralement aucune chance aux actionnaires d’annuler la décision du conseil d’administration portant sur la rémunération des hauts dirigeants. Tout ce qu’on offre aux actionnaires, c’est de voter sur une «résolution consultative non contraignante» en matière de rémunération des membres de la haute direction.
LA SOLUTION ?
Il faudrait que le gouvernement fédéral, avec l’appui des provinces, adopte un décret pour forcer les entreprises canadiennes à donner aux actionnaires la possibilité de rejeter la politique de rémunération des dirigeants d'une entreprise.
La France vient de mettre en vigueur un tel décret, le «SAPIN 2». On l’a surnommé ainsi parce qu’il a été présenté par Michel Sapin, ministre des Finances et des Comptes publics.
Le «SAPIN 2» donne aux actionnaires un réel pouvoir sur la politique de rémunération des grandes entreprises françaises.
Ici, au Canada, un décret du genre «SAPIN 2» ne pourrait être pleinement efficace qu’à la condition de limiter à «une action, un vote» les fameuses actions multivotantes lorsqu’il s’agit de voter sur la politique de rémunération de la haute direction.
Sinon, un «SAPIN 2» ne donnera aucune emprise de plus aux actionnaires des entreprises contrôlées par les actionnaires détenant les actions multivotantes.