La présidentielle de tous Les possibles
Le premier tour de l’élection du prochain président de la France se tient aujourd’hui
Jamais une course à la présidence française n’aura été aussi serrée que celle qui amènera les citoyens de l’hexagone aux urnes aujourd’hui, s’entendent les experts. Verrons-nous une candidate d’extrême droite affronter un candidat d’extrême gauche? Ou encore un jeune aspirant au parti tout neuf se mesurer à un politicien de carrière empêtré dans les scandales? Conviés au premier tour de l’élection, les électeurs sont si nombreux à être indécis que tout était encore possible pour les quatre meneurs de la course à quelques heures du scrutin. «C’est quelque chose d’inouï. Les Français eux-mêmes ne savent pas ce qu’ils vont faire!» s’exclame George Ross, professeur de politique à l’université de Montréal. Une incertitude qui n’a rien à envier à nos pools de hockey. La fin des partis traditionnels
Il y a un peu plus d’un an, le parti En marche! d’emmanuel Macron n’existait même pas. «C’est la première fois qu’un tel candidat émerge aussi rapidement», observe Antoine Rayroux, professeur à l’université Concordia. Cela s’inscrit dans une tendance de déclin des vieux partis et de rejet des élites traditionnelles qui ne se limitent pas à la France, notent les politologues.
CONTRE QUI PEUT-IL L’EMPORTER?
Tous. Même s’il est talonné de près par ses adversaires, Macron était donné en tête du premier tour dans les sondages cette semaine. Il l’emporterait aussi sur ses trois rivaux au 2e tour, selon un sondage de l’institut BVA. «Reste qu’on ne sait pas vraiment comment réagiront les électeurs aux résultats du premier tour», nuance Frédéric Merand, professeur à l’université de Montréal.
ET S’IL DEVENAIT PRÉSIDENT?
Macron dit être ni de droite ni de gauche. Jeune et libéral, son profil ressemblerait à celui de Justin Trudeau sur plusieurs points, affirment les experts. Le hic: il risque de ne pas pouvoir gouverner, parce que son jeune parti pourrait ne pas gagner la majorité aux élections législatives, disent-ils. «Il serait obligé de négocier une coalition avec les autres partis», estime M. Rayroux. Le même scénario pourrait s’appliquer à Le Pen et à Mélenchon, qui, eux non plus, n’ont pas de partis bien enracinés.
La candidature qui fait trembler
Si le Front national de Marine Le Pen est devenu un parti incontournable, beaucoup de Français craignent qu’il accède au pouvoir. Outre les expulsions d’immigrants, plusieurs redoutent l’électrochoc d’une potentielle sortie de l’union européenne. Déstabilisation de la monnaie et fuite de capitaux pourraient faire partie des conséquences, énumère Frédéric Merand. Reste que Le Pen s’est engagée à sonder la population par référendum avant d’aller de l’avant, rappelle Antoine Rayroux.
CONTRE QUI PEUT-ELLE L’EMPORTER?
Même si elle a de bonnes chances de finir dans le duo de tête du 1er tour, elle ne battrait aucun des trois autres candidats au 2e tour, selon un sondage de l’institut BVA. Par contre, une forte abstention au 2e tour pourrait la favoriser, dit M. Merand.
ET SI ELLE DEVENAIT PRÉSIDENTE?
«La victoire de Le Pen signifierait la victoire du populisme de droite de manière encore plus visible dans le monde occidental», estime M. Merand. Avec le Brexit au RoyaumeUni et l’élection de Donald Trump aux ÉtatsUnis, les trois démocraties qui siègent au Conseil de sécurité des Nations Unies auraient toutes en quelque sorte adopté le nationalisme conservateur, observe-t-il. En Occident, l’allemagne et le Canada s’en trouveraient isolés.
Quand les extrêmes se rejoignent
Rien n’illustre mieux l’incertitude de la présidentielle que la percée effectuée par Jean-luc Mélenchon du parti la France insoumise il y a quelques semaines. «C’est la grande surprise de cette campagne», note Frédéric Merand. Alors que beaucoup craignent la montée de l’extrême droite, voilà qu’un candidat héritier du parti communiste français arrive à se faufiler dans la course. Ironiquement, son discours antimondialisation, anti-union européenne et anti-élites a plusieurs points en commun avec celui de Le Pen. Depuis plusieurs années, les extrêmes tendent à se rejoindre dans leur programme économique, remarque M. Merand.
CONTRE QUI PEUT-IL L’EMPORTER?
Au 1er tour, Mélenchon pourrait être favorisé par une forte abstention, selon M. Merand. Même s’il est le dernier des quatre meneurs, il l’emporterait sur Le Pen et Fillon au 2e tour, selon un sondage de BVA.
ET S’IL DEVENAIT PRÉSIDENT?
Avec Donald Trump aux États-unis et Mélenchon en France, ce serait un message «très fort», indique M. Rayroux. «Ce serait le signe que l’ordre international libéral, tel que fondé après la Deuxième Guerre mondiale, touche à son terme.» Il faudrait alors s’attendre à plus de protectionnisme et des frontières moins étanches entre les pays.
Le poids des scandales
«Fillon est le candidat le plus faible que la droite n’a jamais eu», indique Frédéric Merand. Pourtant, il avait remporté la primaire du parti Les Républicains haut la main et était donné favori pour la présidentielle fin 2016. Tout a changé quand a éclaté un scandale d’emploi fictif en janvier dernier. Son épouse aurait été embauchée comme attachée parlementaire et payée à ne rien faire pendant plusieurs années. Fillon a fait l’objet d’une enquête et d’une mise en examen en mars, notamment pour détournement de fonds publics. Il n’est toutefois pas le seul candidat entaché par les scandales, la justice française ayant ouvert une enquête sur de présumés emplois fictifs au sein du Front national de Marine Le Pen.
CONTRE QUI PEUT-IL L’EMPORTER?
Il oscillait entre la 3e et la 4e place au premier tour cette semaine. Au 2e tour, il pourrait battre Le Pen, mais pas Macron ni même Mélenchon, selon un sondage de BVA.
ET S’IL DEVENAIT PRÉSIDENT?
Fillon ferait figure de stabilité. Il serait un président de droite assez traditionnel, dans la lignée de Nicolas Sarkozy, illustre Antoine Rayroux. «Mais les Français se retrouveraient avec un président qu’ils jugent fraudeur. Ça n’aiderait pas [au climat]», s’exclame George Ross.