Une dernière soirée mémorable avant que sa fille soit tuée
Le père d’une jeune femme assassinée par son ex-copain se confie pour la première fois
Malgré la douleur immense qui l’habite, le père d’une jeune femme de 18 ans assassinée en mars dernier à Mont-saint-hilaire se console en se rappelant qu’il avait eu «la plus belle» conversation avec sa fille, la veille de son décès.
«C’est la plus belle rencontre que j’ai eue avec ma fille, dit doucement Éric Boudreault. On a passé deux heures dans ma chambre. On parlait de son avenir. Elle avait des étoiles dans les yeux. Je l’ai serrée dans mes bras, elle était heureuse.»
EX-COPAIN ACCUSÉ
Pour la première fois, ce père de famille s’est confié au Journal au sujet du décès de sa fille Daphné Huard-boudreault, assassinée le 22 mars dernier à Mont-saint-hilaire. Extrêmement médiatisé, ce drame avait bouleversé le Québec.
Le lendemain du drame, son ex-copain de 22 ans, Anthony Pratte-lops, a été accusé de meurtre prémédité, au palais de justice de Saint-hyacinthe.
Selon plusieurs, le jeune homme n’aurait pas accepté la séparation du couple. Sur Facebook, il avait publié une vidéo où il lui souhaitait «tout le malheur du monde».
Près de deux mois plus tard, M. Boudreault est en colère contre le travail des policiers et le système d’indemnisation des victimes d’actes criminels (voir autres textes).
Victimes de stress post-traumatique, ce père de trois enfants et sa conjointe peinent à affronter le quotidien. Angoisse, insomnie, incapacité à travailler: le couple est toujours gravement affecté par le choc. «Ma tête est à côté de mon corps», avoue l’homme.
CERVEAU DÉSORGANISÉ
«Un choc comme ça, ça désorganise le cerveau. Il faut recommencer à penser à mettre un pied devant l’autre pour marcher», ajoute Claudine Halde, sa conjointe.
Le 21 mars dernier, Daphné avait dormi chez son père. Elle avait décidé de quitter officiellement l’appartement où elle vivait avec M. Pratte-lops depuis quelques mois.
«Elle n’était pas capable de mettre un terme à la relation, il menaçait de se suicider», raconte Mme Halde.
«Daphné, c’était mère Teresa», ajoute son père, qui n’appréciait pas le copain de sa fille.
Vers cinq heures du matin, le 22 mars, la jeune femme a quitté la résidence pour se rendre au travail, dans un dépanneur. Or, Anthony Pratte-lops l’attendait dans l’auto.
«Elle l’a conduit jusqu’au dépanneur. Il a volé son cellulaire, l’a menacée, dit son père. Il a fallu appeler la police.»
Durant la matinée, Daphné était inquiète, et son père avait même appelé l’ex-copain.
«Il m’a dit qu’il était à Québec, que Daphné pouvait aller chercher ses affaires à 13 h. On avait convenu que Claudine irait avec elle. [...] Daphné s’inquiétait pour son chat et ses lézards.»
« ELLE AVAIT LA CHIENNE »
Vers midi, la jeune femme s’est toutefois rendue au poste de police, selon les parents.
«Elle avait la chienne, jure Mme Halde. À 12 h 35, elle m’a appelé pour me dire qu’on pouvait y aller (à l’appartement). Je me brossais les dents, et je courais dans la maison.» Arrivée à 12 h 43, il était déjà trop tard. «Il y avait trois polices et une ambulance. Daphné était tellement supposée m’attendre avant d’entrer», confie-t-elle péniblement.
Préoccupé, M. Boudreault avait quitté le travail plus tôt. Il conduisait lorsque sa conjointe lui a appris la terrible nouvelle. «J’ai failli m’évanouir», avoue-t-il. N’ayant pas eu l’énergie de se défendre publiquement avant aujourd’hui, ce père déplore les doutes soulevés quant à son implication auprès de sa fille. D’ailleurs, il ne pensait jamais qu’anthony s’en prendrait physiquement à Daphné.
Malgré l’épreuve, M. Boudreault assure qu’il ira au fond des choses en l’honneur de sa fille, qui souhaitait aller à l’université et faire du travail humanitaire. «Elle était en éclosion, elle était belle à voir aller. (...) Daphné, c’est une perle, une combattante. Malgré tout ce qu’elle a pu nous faire vivre, on était tellement fiers d’elle», confie-t-il les yeux dans l’eau.
«Le meilleur était à venir», ajoute Mme Halde.