Tout miser sur un métier jusqu’à en être malade
Les jeunes poussés vers l’inaccessible, dit une auteure
Des jeunes qui se sont rendus malades à tenter d’atteindre une carrière inaccessible pour eux, Isabelle Falardeau en voyait tous les jours dans son bureau. Dans un livre, elle dénonce l’«acharnement vocationnel».
«Ce livre a été écrit sous le coup de l’exaspération», avoue en entrevue Isabelle Falardeau, auteure du Piège de la persévérance, paru en mars.
Cette conseillère en orientation en milieu collégial en avait ras le bol d’entendre des phrases comme «n’abandonne jamais ton rêve» et «écoute ton coeur», qui sont constamment répétées aux jeunes.
«J’ai déjà rencontré un jeune qui voulait devenir joueur de soccer. À l’âge de 18 ans, il a été refusé au niveau supérieur. Il est tombé en dépression totale. Il voulait tout abandonner, lâcher l’école. Il était en perte d’identité. Il avait tout misé là-dessus», illustre-t-elle.
« TABOU »
«C’est tabou, de parler des limites des gens. La réalité, c’est que des fois, le jeune n’est juste pas capable. Mais il a une idée fixe et n’en démord pas».
Elle a donc vu de nombreux étudiants tomber en dépression après avoir été refusés dans un programme pour la quatrième fois. À force d’accumuler les échecs, certains vont voir chuter leur cote R, essentielle pour être admis à l’université.
«Rendu à ce point, on peut parler d’acharnement vocationnel».
La persévérance saine revient à continuer malgré les échecs, explique-t-elle. L’acharnement survient lorsque la personne se bute à plus d’échecs que de réussites. Elle estime que 25 % des étudiants qu’elle rencontrait étaient tombés dans l’acharnement.
Outre le sport, le phénomène se voit dans tous les milieux où il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, comme ceux qui veulent devenir médecins, policiers ou astronautes.
LE RÔLE DE L’ENTOURAGE
L’entourage jette parfois de l’huile sur le feu en poussant l’étudiant à continuer, remarquet-elle.
Or, cet acharnement est souvent le symptôme d’une grande anxiété. Il faut donc plutôt accompagner la personne pour décortiquer ses désirs et l’aider à s’ouvrir à toutes les options possibles. «Il faut éviter les lunettes roses et les lunettes noires».
Reste que son livre n’est pas un incitatif au décrochage scolaire, précise-t-elle. «Je ne suis pas contre le rêve». Elle en a plutôt contre la pensée magique qui fait croire que la persévérance garantit le succès, explique-t-elle.