Le Journal de Quebec

Tout miser sur un métier jusqu’à en être malade

Les jeunes poussés vers l’inaccessib­le, dit une auteure

- Dominique Scali

Des jeunes qui se sont rendus malades à tenter d’atteindre une carrière inaccessib­le pour eux, Isabelle Falardeau en voyait tous les jours dans son bureau. Dans un livre, elle dénonce l’«acharnemen­t vocationne­l».

«Ce livre a été écrit sous le coup de l’exaspérati­on», avoue en entrevue Isabelle Falardeau, auteure du Piège de la persévéran­ce, paru en mars.

Cette conseillèr­e en orientatio­n en milieu collégial en avait ras le bol d’entendre des phrases comme «n’abandonne jamais ton rêve» et «écoute ton coeur», qui sont constammen­t répétées aux jeunes.

«J’ai déjà rencontré un jeune qui voulait devenir joueur de soccer. À l’âge de 18 ans, il a été refusé au niveau supérieur. Il est tombé en dépression totale. Il voulait tout abandonner, lâcher l’école. Il était en perte d’identité. Il avait tout misé là-dessus», illustre-t-elle.

« TABOU »

«C’est tabou, de parler des limites des gens. La réalité, c’est que des fois, le jeune n’est juste pas capable. Mais il a une idée fixe et n’en démord pas».

Elle a donc vu de nombreux étudiants tomber en dépression après avoir été refusés dans un programme pour la quatrième fois. À force d’accumuler les échecs, certains vont voir chuter leur cote R, essentiell­e pour être admis à l’université.

«Rendu à ce point, on peut parler d’acharnemen­t vocationne­l».

La persévéran­ce saine revient à continuer malgré les échecs, explique-t-elle. L’acharnemen­t survient lorsque la personne se bute à plus d’échecs que de réussites. Elle estime que 25 % des étudiants qu’elle rencontrai­t étaient tombés dans l’acharnemen­t.

Outre le sport, le phénomène se voit dans tous les milieux où il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, comme ceux qui veulent devenir médecins, policiers ou astronaute­s.

LE RÔLE DE L’ENTOURAGE

L’entourage jette parfois de l’huile sur le feu en poussant l’étudiant à continuer, remarquet-elle.

Or, cet acharnemen­t est souvent le symptôme d’une grande anxiété. Il faut donc plutôt accompagne­r la personne pour décortique­r ses désirs et l’aider à s’ouvrir à toutes les options possibles. «Il faut éviter les lunettes roses et les lunettes noires».

Reste que son livre n’est pas un incitatif au décrochage scolaire, précise-t-elle. «Je ne suis pas contre le rêve». Elle en a plutôt contre la pensée magique qui fait croire que la persévéran­ce garantit le succès, explique-t-elle.

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L’auteure et conseillèr­e en orientatio­n Isabelle Falardeau a vu bon nombre d’étudiants sombrer dans la dépression à force de s’entêter dans un programme où ils accumulaie­nt les échecs.

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