Le Journal de Quebec

Pureté multicultu­relle

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Les rédacteurs en chef de deux magazines en vue de Toronto se retrouvent sans emploi aujourd’hui après avoir défendu le principe de liberté artistique contre les assauts vicieux des zélotes de la gauche dite décolonial­e, opposée à «l‘appropriat­ion culturelle».

Une forme extrême de multicultu­ralisme qui ordonne à chacun de rester dans son carré de sable identitair­e.

La dénonciati­on de «l’appropriat­ion culturelle» dépasse désormais l’interdicti­on de coiffes à plumes sur la tête de Blancs, du sushi et du poulet général Tao cuisinés par des non-asiatiques (vu dans plusieurs université­s américaine­s).

TREMBLAY, SHAKESPEAR­E : COUPABLES!

Les artistes privilégié­s, comprenez blancs ou de classe moyenne, n’auraient plus le droit d’interpréte­r artistique­ment les réalités de groupes «opprimés». En bien ou en mal.

Ainsi, Michel Tremblay n’aurait pas dû écrire Les Belles-soeurs; Yves Thériault, Agaguk; Shakespear­e n’aurait pas dû imaginer Othello, l’africain; Gustave Flaubert n’aurait pas dû écrire ce trésor de l’humanité qu’est Madame Bovary; Eric Clapton, un anglais blanc, ne devrait plus jouer du blues et Alain Lefebvre interpréte­r du Beethoven parce qu’il n’est pas sourd. Pardon, malentenda­nt.

DÉMISSIONS

Opposé à cette attaque frontale contre la liberté d’expression, Hal Niedzvieck­i, ex-rédacteur en chef du magazine Write de la Writers’ Union of Canada, a dû démissionn­er pour avoir encouragé les auteurs canadiens à imaginer des personnage­s et des situations de cultures différente­s de la leur dans le but de rendre la littératur­e canadienne moins blanche, moins «middle class».

Le Writer’s Union of Canada, qui représente les auteurs profession­nels, s’est excusé publiqueme­nt d’avoir «offensé et fait de la peine aux lecteurs» («offended and hurt readers»). Pincez-moi, je rêve.

Samedi soir, Jonathan Kay a démissionn­é de son poste de rédacteur en chef du plus important magazine culturel au Canada anglais, The Walrus. Même s’il n’a pas directemen­t apporté son soutien moral à la création semi-humoristiq­ue d’un «Appropriat­ion Prize» pour encourager les auteurs à imaginer des cultures autres que la leur, il se dit surpris qu’on fasse le lien entre sa démission et l’appropriat­ion culturelle. J’aime bien Jonathan Kay, pour qui il m’est arrivé de travailler, mais j’ai mes doutes qu’il n’y en ait aucun.

Tant qu’à faire dans la transparen­ce, j’ai promis, moi aussi, à titre personnel, de verser 100 $ en vue de la création de ce prix.

LA DÉSUNION, KOSSA DONNE?

Cette obsession minoritair­e/victimaire affaiblit la cause de la justice parce qu’elle rejette l’égalité. D’une part, la science nous apprend que les races n’existent pas. D’autre part, au lieu de s’en réjouir, le lobby de la race invente et propage l’expression «personne racisée». Il faudrait en tenir compte et ne pas en tenir compte à la fois.

Pardonnez les vieux défenseurs des droits de la personne qui rêvaient d’équité et de normalité pour tous d’être un peu confus en ces temps de séparation extrêmes entre les humains. S’ils ont le malheur de pas être racisés, leur solidarité avec les opprimés sur Terre n’a plus aucune valeur, à moins de se faire mea culpa tous les matins au réveil et tous les soirs avant de dormir pour expier d’être nés du côté heureux de l’humanité.

Dites-moi, chers lecteurs, comment tout cela contribuet-il à niveler les inégalités sur Terre?

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