Elle aide à accepter une mort insensée
Marie-claude Prud’homme-lemaire accompagne des familles en deuil d’un proche qui fait don de ses organes
MONTRÉAL | Marie-claude Prud’homme-lemaire marche constamment sur le mince fil qui sépare la vie et la mort en accompagnant les proches de ceux qui font le choix du don d’organes. Par son travail, ces familles réalisent que la mort la plus insensée prend une autre signification lorsqu’elle donne la vie.
Marie-claude Prud’homme-lemaire fait partie des 22 infirmières-ressources en don d’organes du Québec. Son rôle consiste à accompagner les familles de donneurs d’organes dans le difficile processus qui les attend.
«On est les porteurs de mauvaises nouvelles. Quand on se pointe dans un dossier, c’est qu’il n’y a plus aucun espoir au niveau curatif», explique celle qui a la lourde tâche d’annoncer les décès aux familles éplorées.
Après la triste annonce et la décision d’aller de l’avant ou non avec le don, celle qui pratique à l’hôpital Sacré-coeur s’assure de mettre tout en oeuvre pour que les volontés du défunt et de la famille soient respectées.
Musique jusqu’à la salle d’opération, haie d’honneur, même l’audio d’une partie de golf pour les derniers moments d’un passionné, Marie-claude fera tout pour réconcilier les familles avec cette terrible finalité.
PRÊTS À TOUT
Ce désir de tout faire pour les proches a évidemment donné lieu à des scènes touchantes que l’infirmière n’oubliera jamais. «On a déjà permis à un jeune garçon d’amener sa guitare au bloc et de jouer pour son père pendant qu’il décédait, confie-t-elle. On a fait une empreinte de main du papa avec de la peinture sur la guitare avant qu’il parte. On ne peut pas rester insensible à ça. On braille notre vie, nous aussi», se rappelle avec émotion la jeune femme, qui s’émeut autant qu’au premier jour d’entrer dans l’intimité de ces gens.
NE JAMAIS OUBLIER LES DONNEURS
Et cette relation, les familles ont parfois besoin de la voir se poursuivre audelà de ce contact rapide qui dure quelques jours à peine.
Le téléphone de l’infirmière sonne pour toutes sortes de raisons, qui ne seront jamais injustifiées à ses yeux. Parce que la ressource première des familles, ce sera toujours elle.
«J’ai eu un appel dernièrement d’un monsieur dont la conjointe est décédée il y a un an, relate-t-elle. Je lui avais dit à sa sortie de l’hôpital que s’il avait un problème, je lui réglerais. Il m’a appelé parce qu’il avait besoin de voir un psychologue. On réalise qu’on marque les gens plus qu’on le croit», affirme Marie-claude, qui ne dit jamais non à un dîner ou un café avec des familles.
Même si elle trouve par moment difficile d’agir «seulement du côté sombre du don», l’infirmière de 36 ans entend continuer aussi longtemps qu’elle le pourra. Peut-on faire une carrière complète à côtoyer la mort de cette façon?
«Après cinq ans, je suis encore capable de faire la coupure entre le travail et la maison», assure-t-elle.
TRAGIQUE
Puis malgré l’aspect tragique de son travail, Marie-claude Prud’hommeLemaire ne côtoie pas que la mort. Elle travaille surtout avec la vie dans sa plus belle expression.
«On annonce un décès, c’est terrible, on est tous d’accord. Mais malgré tout, il n’y a pas de gestes plus altruistes que de penser aux gens de l’autre côté, dit-elle. Le don d’organe est souvent ciblé sur les receveurs, mais il ne faut jamais oublier que sans donneurs, ces belles histoireslà n’existeraient pas», affirme l’infirmière.