« La Main »
Il y a de ces lieux qui nous marquent et auxquels on s’attache. À Montréal, j’ai mes endroits préférés, où j’aime être et ne manque jamais de les faire découvrir à mes visiteurs.
Parmi eux il y a «la Main». Cette rue principale, nommée boulevard SaintLaurent qui charrie, depuis son ouverture au 17e siècle, tant d’histoires et de symboles. Un espace cosmopolite, vivant et dynamique qui m’a fascinée au premier contact.
Si à l’origine, le chemin SaintLaurent était le berceau de l’implantation des Canadiens français, il n’a pas tardé, au fil des ans, à se laisser façonner par les flux migratoires qui l’ont nourri, avant de devenir la frontière naturelle entre l’est (francophone) et l’ouest (anglophone) de Montréal.
UN CREUSET D’INTÉGRATION
Reconnue comme lieu historique national du Canada, «la Main» s’est imposée comme un creuset de l’intégration de tant de Québécois issus de l’immigration qui l’ont adoptée, y ont fondé et rénové commerces et maisons, un patrimoine bâti qu’ils ont transmis aux suivants.
Elle a connu de nombreuses impulsions avec l’apport des différentes vagues d’immigration: juive, italienne, grecque, portugaise, espagnole et, désormais, de plus en plus asiatique et africaine. Chacune de ces communautés l’a façonnée à sa manière et y a laissé ses marques.
Certains commerces traditionnels y ont toujours pignon sur rue et ne tarissent pas de clientèle, comme la charcuterie hébraïque Schwartz’s. Ouverte en 1928, en plein coeur de ce qui était le quartier juif, elle est devenue non seulement un restaurant de proximité où se mélangent les Québécois de toute origine, mais également le passage obligé de certaines célébrités en visite à Montréal.
Dans les années 1980, quand il était difficile pour moi de trouver du café expresso à Notre-dame-de-grâce, je traversais le mont Royal, chaque samedi, pour y faire mes courses et découvrir les cuisines du monde dans les différents restaurants aux saveurs méditerranéennes.
Avec le temps, la vénérable Main a pris de l’âge et a subi les soubresauts des crises économiques, mais elle a toujours su se relever et se réinventer. Tout en gardant son cachet cosmopolite, elle est frappée, ces dernières années, par un vent de fraîcheur qui lui fait du bien et attire un public de plus en plus jeune.
«La Main» est aujourd’hui l’une des destinations culturelles les plus convoitées à Montréal. Rendez-vous branché des arts et de la culture, elle est en train de devenir un lieu de création et d’innovation avec ses salles de spectacles, ses galeries d’art, ses boutiques de mode et ses cafés hybrides.
LE FESTIVAL DES MURALES
Cette semaine, j’ai profité du fait que la rue soit rendue aux piétons pour aller voir la 5e édition de Mural, un festival d’art public, qui s’est déployé sur le boulevard Saint-laurent, du 8 au 18 juin.
Jumelé à des expositions et à des grands événements musicaux extérieurs, c’est un exemple inspirant du dynamisme de cette artère et de sa capacité de se renouveler avec les nouvelles générations.
Cette année, dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal, le festival a même franchi les limites de «la Main» pour prendre de l’expansion, dans le Vieux Montréal.
Cet événement, lancé modestement, en 2013, par des jeunes soucieux d’animer la rue, a l’ambition de devenir l’un des grands festivals d’art urbain au monde.
Il est déjà en voie de devenir une attraction d’envergure internationale. Cette année, il a attiré des artistes de renommée mondiale d’australie, du Canada, d’espagne, des États-unis, du Mexique, du Royaume-uni et de Suisse.
Étant une habituée de cet événement qui a déjà quelque 80 oeuvres à son actif, j’ai vu comment l’art public a changé le visage et l’image de «la Main», une autre façon de lui donner un nouveau souffle en attendant les nouvelles générations qui la façonneront à leur tour.
Je prends congé de chronique. Bon été! fatima.houda-pepin @quebecormedia.com