Croître sans compter sur Bombardier
Des PME québécoises se tournent vers l’international pour leur avenir
PARIS | Soucieuses d’assurer leur croissance, les petites et moyennes entreprises (PME) aéronautiques du Québec sont de plus en plus nombreuses à s’affranchir de leur lien privilégié avec Bombardier, diversifiant leur clientèle et se tournant vers l’international.
À l’occasion du Salon international de l’aéronautique et de l’espace de Paris, près de 50 PME de la grappe Aéro Montréal sont sur place, partant, pendant cinq jours, à la rencontre de clients, petits et grands, mais aussi de fournisseurs.
Depuis lundi, pas moins de 350 rencontres ont été coordonnées par le gouvernement du Québec, sur place, sans compter toutes les autres qui se déroulent sans intermédiaires.
DÉPENDANTES DE TROIS POIDS LOURDS
Pendant longtemps – trop longtemps diront certains –, les PME aéronautiques du Québec ont compté comme principal ou unique client l’un des trois principaux donneurs d’ordre de la province: Bombardier, Bell Helicopter et Pratt & Whitney Canada. Leur survie dépendait grandement du succès de celles-ci.
Cette réalité est encore celle de nombre d’entreprises présentes au salon du Bourget.
Mais pas d’altitude Aerospace ou encore d’abipa qui, chacune à sa manière, se sont diversifiées ces dernières années.
Fondée par Nancy Venneman, une ex-ingénieure de Bombardier, Altitude a d’abord eu comme seul client cette entreprise. Mais sa présidente voyait grand.
Douze ans plus tard, Bombardier représente 30 % du chiffre d’affaires, mais ses clients incluent également plusieurs compagnies aériennes, de même que Viking et Stellia. Elle a également ouvert un bureau à Toulouse et projette d’en ouvrir un autre aux États-unis sous peu.
«Il y a beaucoup d’entreprises françaises qui se sont établies au Canada. Nous, on est allés à l’envers du courant. C’est ce qui nous a permis d’aller chercher des contrats.»
C’est le désir de diversifier sa clientèle qui a poussé Altitude à se tourner vers le marché européen, explique celle dont l’entreprise se spécialise en réparation et modification d’avions en service.
La société embauche actuellement une centaine d’employés, dont 80 à Montréal. C’est aussi l’une des rares du secteur à être dirigée par une femme. Le bureau toulousain est lui aussi dirigé par une femme, Laetitia Chaynes.
Fondée en 1982, Abipa confectionnait autrefois des pièces de fonderie et de métal en feuille destinées à des clients industriels, avant de devenir un fournisseur fréquent de Bombardier et de Pratt & Whitney. Puis, il y a cinq ans, l’entreprise a amorcé un virage considérable.
«Ce que les clients nous disaient, c’était qu’ils voulaient que leurs fournisseurs se distinguent, en étant les meilleurs dans un créneau plutôt que d’essayer de tout faire. Alors, on a innové, on a automatisé, pour être plus compétent et plus compétitif», se rappelle le président d’abipa, Jean Blondin.
Ses pièces figurent maintenant dans les moteurs dont seront dotés les A320neo d’airbus, les C Series de Bombardier et des avions d’embraer, notamment.
Et l’entreprise vient de renouveler un important contrat, évalué à 5 millions $, avec Safran.
COMPRENDRE L’INDUSTRIE
La clé pour réussir sa diversification, selon M. Blondin? Comprendre son industrie. «Il faut comprendre ce qui se passe dans les structures, dans les stratégies industrielles et commerciales des donneurs d’ordre. Les Bombardier et Airbus veulent de plus en plus des intégrateurs qui vont aller chercher eux-mêmes divers fournisseurs. Ils simplifient. Déjà, il faut comprendre ça.
«Si on ne se rend pas compte de ce qui se passe et qu’on ne demande pas aux clients quelles sont les stratégies, si on ne fait que livrer les commandes, sans se préoccuper de ce qui s’en vient, ça va mal tourner», met-il en garde.