Le Journal de Quebec

Forcée de quitter l’université

- ANNABELLE BLAIS ET FÉLIX SÉGUIN

La grogne prend de l’ampleur au sein des forces policières et des procureurs de la Couronne, qui déplorent que des présumés criminels tardent à être accusés à cause du fameux arrêt Jordan.

Des sources policières nous confirment avoir constaté des retards dans les dépôts d’accusation­s. Des enquêteurs sont particuliè­rement frustrés de laisser ainsi courir des criminels.

«On fait vraiment tout ce qu’on peut pour s’assurer que les victimes qu’on rencontre aient confiance dans le processus, mais comment voulez-vous qu’elles soient satisfaite­s quand on leur annonce que la justice ne peut pas faire sa partie du travail», nous dit un policier.

Des procureurs de la Couronne nous ont aussi confié leur impatience sous le couvert de l’anonymat. L’ironie est que, maintenant, les demandes d’arrêt des procédures découlant de l’arrêt Jordan viennent à leur tour engorger le système, obligeant les procureurs à prioriser les dossiers, à évaluer les risques et à plaider ces requêtes.

DOSSIER COMPLET

Le président de l’associatio­n des procureurs des poursuites criminelle­s et pénales confirme que les accusation­s pour différents types de crimes sont déposées plus tard qu’avant. Mais il s’agit selon lui d’une bonne pratique… à condition que l’embauche de personnel supplément­aire donne des résultats.

«On s’organise pour avoir un dossier complet avant de déposer des accusation­s, on ne le fait plus en cours de route», explique Jean Campeau, le président de l’associatio­n des procureurs.

Cette nouvelle façon de travailler constitue une «bonne pratique», selon lui. «Ça crée moins d’incidents en cours de procès», affirme-t-il.

Le fait d’attendre des rapports avant de déposer des accusation­s ne peut entraîner des délais «beaucoup plus grands» qu’avant, ajoute Me Nathalie Brissette, procureure en chef du DPCP pour le district de Montréal, qui ne fait pas de lien entre les dossiers à autoriser et l’arrêt Jordan.

Sur la frustratio­n des policiers, elle précise: «Je peux comprendre que le système de justice a été ébranlé et que les policiers trouvent cette décision laborieuse pour leur pratique au quotidien. […] Mais ça va prendre du temps, c’est une énorme machine et tranquille­ment on lui donne la direction souhaitée et on trouve des solutions.»

Le DPCP a notamment embauché 69 procureurs et créé une équipe spécialisé­e pour analyser les dossiers et répondre aux requêtes en arrêt Jordan.

Me Campeau précise que chaque dossier est évalué et que certains peuvent être traités en priorité.

«Si les gens ont besoin de protection, le processus est généraleme­nt plus rapide», assure M. Campeau.

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PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, TZARA MAUD Laura (nom fictif), 25 ans, savait que les délais en justice étaient longs, mais elle s’inquiète maintenant que son présumé agresseur ne soit pas accusé assez rapidement. De plus, il continue de fréquenter l’université.

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