Le Journal de Quebec

Éric Boyko est de mauvaise humeur

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Les «entreprene­urs multimilli­onnaires» de l’ère numérique ne se gênent pas pour dire tout haut ce qu’ils pensent. À une autre époque, les entreprene­urs manoeuvrai­ent en coulisses et tiraient des ficelles. Ils s’autorisaie­nt même à distribuer de discrètes enveloppes brunes pour gagner les gens de pouvoir à leur cause.

Comme plusieurs magnats du numérique, Alexandre Taillefer et Éric Boyko, les deux créateurs du gros distribute­ur de musique Stingray, profitent de toutes les occasions pour passer leurs messages.

Il y a 10 jours, Boyko, en présence du maire Denis Coderre et de Mélanie Joly, la ministre du Patrimoine, a annoncé que Stingray allait agrandir ses bureaux du Vieux-montréal et embaucher 400 personnes. Du même coup, il a dénoncé vertement les crédits d’impôt.

Les crédits d’impôt, a-t-il dit en substance, ont permis à des entreprise­s multinatio­nales comme Ubisoft et Warner de s’implanter au Québec. Mais ils sont responsabl­es de l’inflation des salaires et de la rareté de la main-d’oeuvre. Selon Boyko, la main-d’oeuvre spécialisé­e serait si rare que «si Ubisoft quittait Montréal, ses 3000 employés retrouvera­ient du travail en 30 jours». Mais pas chez Stingray puisque Boyko s’est donné cinq ans pour augmenter son personnel de 400 employés!

UNE MESURE FISCALE EFFICACE

L’audacieux promoteur n’est pas le premier à s’en prendre aux crédits d’impôt. Pourtant tous savent bien, lui le premier, qu’on leur doit la Cité du multimédia de Montréal et que, sans eux, le Québec compterait pour très peu dans le domaine des jeux vidéo et de l’informatiq­ue. Les sociétés multimédia­s installées au Québec peuvent réclamer un crédit d’impôt de 37,5 % sur tous les salaires qui ne dépassent pas 100 000 $ par an, ce qui représente un avantage comparé considérab­le.

L’initiative a permis à Montréal et même à la ville de Québec de devenir de hauts lieux des jeux vidéo, en plus de permettre à nos sociétés d’informatiq­ue et d’effets visuels de se développer. Mesure fiscale mise en place par le PQ, l’ex-premier ministre Bernard Landry en est si fier qu’il ne rate jamais une occasion de le rappeler. Les crédits d’impôt rapportera­ient à l’état 40 % de plus que le manque à gagner dont ils sont responsabl­es.

LA CONCURRENC­E EST FÉROCE

Ce sont aussi de généreux crédits d’impôt de la Colombie-britanniqu­e et de l’ontario qui font de Vancouver et de Toronto de dangereux concurrent­s de Montréal. Autant dans le domaine de l’informatiq­ue et des jeux vidéo que dans celui de la production de films et d’émissions de télévision.

Boyko accepterai­t volontiers le principe des crédits d’impôt si les sociétés qui s’en prévalent avaient leur siège social au Québec. Son point de vue se défend, mais si on l’acceptait, il faudrait dire adieu aux centaines de millions de dollars que représente la production d’émissions de télévision et de films américains et étrangers. Il faudrait surtout oublier l’expertise qu’acquièrent ainsi des centaines d’ingénieurs et de technicien­s de chez nous.

La nature des opérations de Stingray et la façon de Boyko de faire grandir sa société en réalisant des acquisitio­ns partout dans le monde la privent de cette manne fiscale. Pour l’instant, les propos de l’entreprene­ur montréalai­s me rappellent le renard de la fable, qui conclut que les raisins sont trop verts parce qu’ils sont hors d’atteinte!

TÉLÉPENSÉE DU JOUR

Si jamais le défilé de la Saint-jean-baptiste revient à la tradition, il ne faudra surtout pas le faire avec un mouton noir!

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