Le Journal de Quebec

Gâchis toxique à ciel ouvert

Le fédéral a payé 10 M$ pour se débarrasse­r de sols contaminés... qui sont revenus sur place cinq mois plus tard

- Hugo Joncas Hugojoncas

Ottawa est incapable de faire nettoyer 8900 tonnes de terre hautement contaminée sur un terrain qui lui appartient depuis plus de trois ans. D’abord expédiés à une compagnie qui ne pouvait pas les traiter, les sols toxiques sont retournés cinq mois plus tard sur leur site d’origine en pleine zone agricole, près de Drummondvi­lle.

Aujourd’hui, des amoncellem­ents de terre contaminée gisent donc sur ce terrain fédéral non sécurisé, voisin d’un champ en culture.

En 2016, le ministère des Services publics et de l’approvisio­nnement du Canada (MSPAC) a pourtant octroyé un contrat de près de 10 M$ à GPEC Internatio­nal Ltd pour faire nettoyer le site de l’ancienne Fonderie St-germain, contaminé aux dioxines et aux furanes, des résidus toxiques très persistant­s dans l’environnem­ent.

Le hic: l’entreprise a envoyé plus de 300 camions remplis de terre toxique dans la cour de Northex Environnem­ent inc., qui n’est même pas équipée pour éliminer ces contaminan­ts.

La compagnie de Contrecoeu­r dit avoir réalisé que les sols contenaien­t des dioxines et des furanes en faisant des tests en mars, quatre mois après avoir commencé à les recevoir. Début juin, GPEC a donc rapporté cette terre sur le site d’origine, à 75 km de route.

Northex avait toutefois commencé le traitement des sols dans son usine, ce qui a contaminé ses équipement­s, selon la présidente. « Ça nous a coûté 300 000 $ pour les faire nettoyer », dit Marie-josée Lamothe.

Quand notre Bureau d’enquête a visité le terrain d’origine à Saint-edmond-deGrantham, le site où sont revenus les sols était barré d’une simple chaîne, sans surveillan­ce.

COMME UNE HISTOIRE D’HORREUR

Le devis de réhabilita­tion du terrain se lit pourtant comme une histoire d’horreur. De 1977 à 2004, la Fonderie St-germain y récupérait des métaux provenant notamment de pièces d’autos et de batteries. « Ces rebuts étaient entreposés directemen­t sur le sol avant d’être brûlés dans un four ou même à ciel ouvert à l’aide d’huile usée ou de pneus », selon le document.

Les cendres issues de cette combustion sauvage étaient parfois enfouies à même le site. Aujourd’hui, l’eau souterrain­e est contaminée, mais les puits d’observatio­n disposés autour n’ont pas décelé de migration des polluants vers les terres agricoles et les résidences des environs.

Après près de deux semaines d’attente, notre Bureau d’enquête a finalement reçu quelques précisions du fédéral, qui refuse de porter le blâme pour cette situation.

« C’est la responsabi­lité de GPEC Internatio­nal de s’assurer que ses sous-traitants ont toutes les autorisati­ons et les capacités de traitement nécessaire­s », écrit une porte-parole du MSPAC, Véronique Gauthier. Les sols doivent être envoyés dans un site autorisé « dans les prochains mois », selon elle.

« EN CONFORMITÉ »

Ottawa affirme que « GPEC a agi en conformité avec son contrat », malgré l’aller-retour de 150 km de la terre contaminée. « Les matières ont été confinées par des barrières de sédiments qui empêchent l’écoulement de la boue vers le fossé », selon le MSPAC.

Le Ministère a hérité du terrain en 2014, après la faillite de la Fonderie St-germain, une entreprise de juridictio­n fédérale. Le propriétai­re de GPEC, Noel Perera, n’a pas rappelé malgré nos nombreux messages.

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À la sortie du site, un panneau invite les travailleu­rs à décontamin­er leurs habits. Sur le site de l’ancienne Fonderie St-germain, les débris métallique­s pullulent, à demi enterrés. Amoncellem­ents de terre contaminée aux dioxines et furanes revenus de...
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