De la dinde pour le Grand Turc !
Historienne de la gastronomie et auteure de romans historiques passionnants (et alléchants !), Michèle Barrière s’est intéressée à un fait bien particulier pour camper À la table du sultan. Sa nouvelle intrigue se déroule pour la première fois au Moyen-orient et son héros, Quentin du Mesnil, fait connaître la dinde au Grand Turc.
L’histoire se déroule en 1547, 10 ans après que Quentin ait quitté ses fonctions de maître d’hôtel à la cour de François 1er. Il doit se rendre d’urgence en Turquie, car son fils Pierre, ambassadeur de France à Constantinople, s’est placé en délicate situation : il a été vu avec la fille d’un vizir.
Pierre est retenu prisonnier et son salut tient au talent culinaire de Quentin. Celuici va tenter d’impressionner le Grand Turc avec la dinde, nouvellement arrivée des Amériques.
Avec ce roman passionnant, Michèle Barrière traverse pour la première fois la Méditerranée. Ce qui lui a demandé des recherches assez poussées. « On a la chance d’avoir beaucoup de récits de voyage, et notamment de naturalistes comme ce fameux Denon, dont il est ques- tion dans le livre, qui a écrit un récit très précis, dont je me suis beaucoup servie. De par l’alliance entre François 1er et Soliman, il y avait beaucoup d’intérêt pour l’empire ottoman et pas mal de gens sont allés là-bas. Je me suis servie de tous ces témoignages. »
Côté cuisine, elle connaît une chercheuse universitaire turque spécialisée dans la culture turque à travers les âges, ce qui l’a beaucoup aidée.
« Ce qui a été le moins évident, c’est le fait de se retrouver dans ce monde clos que pouvait être Istanbul à l’époque. Les femmes n’étaient vraiment pas dans la rue, à part celles qui étaient vraiment très pauvres. Ça n’a pas été simple ! C’était un pays qui était avec des interdits énormes. »
« RADICALEMENT DIFFÉRENT »
Après avoir étudié tout ce qui se faisait du côté culinaire chez les Turcs, l’historienne et romancière a pu faire des comparaisons intéressantes avec ce qui se retrouvait à la cour de François 1er. « C’était radicalement différent. Il y avait encore plus de monde à Topkapi, puisqu’il y avait les soldats, les fonctionnaires. Peut-être entre 5000 et 10 000 personnes à nourrir tous les jours. La cour de France était beaucoup plus modeste. En plus, il n’y avait pas du tout le même caractère : Soliman le Magnifique n’était pas du tout intéressé par la nourriture, tandis que notre ami François 1er avait un bon coup de fourchette. »
Ensuite, les interdits sur l’alcool et sur le porc faisaient des différences. « Le poisson était peu présent à la cour. Je pensais peut-être découvrir la cuisine turque telle qu’on la connaît, qui est extraordinaire. Mais j’avais oublié des petites choses comme la tomate, qui n’était pas encore arrivée. C’était vraiment répétitif : du riz, de l’agneau. On mangeait de l’aubergine, que personne ne connaissait en France. »
VENUE D’AMÉRIQUE
La dinde a vraiment été importée d’amérique.
« La poule d’inde est vraiment venue avec les conquistadors. En plus, l’histoire de la dinde est très compliquée. En anglais, on l’appelle turkey. Il y a une histoire louche sur la dinde... En France, on a commencé à en manger dans les années 1550. Elle a eu beaucoup de succès parce que justement, elle remplaçait avantageusement les cygnes et les paons, dont on faisait le plus grand cas dans les banquets. Et dans les produits venus d’amérique, c’est un des rares qui s’est implanté pratiquement tout de suite ! On a déjà des menus, en 1555-1556, où la dinde est sur les tables royales. Elle a été tout de suite adoptée. À l’époque, elle n’existait absolument pas dans l’empire ottoman. »
Et personnellement, Michèle Barrière est comme son héros : elle déteste la dinde !