Un vote dans le sang au Venezuela
L’élection de la Constituante marquée par des affrontements mortels avec les forces de l’ordre
CARACAS | (AFP) Neuf morts, des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, des attaques contre des bureaux de vote : de violents incidents ont marqué l’élection de la Constituante voulue par le président Nicolas Maduro, une assemblée qui, selon l’opposition, met en péril la démocratie.
« Je ne sais pas d’où vient leur haine, des Vénézuéliens contre des Vénézuéliens... C’est une guerre ! » a déclaré Conchita Ramirez, habitante d’un quartier de Caracas, après l’intervention musclée des forces de l’ordre équipées de véhicules antiémeutes.
Sous une pluie de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc, des manifestants bloquant une autoroute de Caracas ont par ailleurs été délogés sans ménagement.
Un peu plus loin, au passage d’un groupe de motards de la police, une puissante détonation retentit, montre une vidéo de L’AFP. Sept policiers sont blessés dans l’explosion, selon les autorités. L’un d’eux a la jambe en flammes, alors que plusieurs des motos brûlent à terre. Des scènes similaires ont eu lieu à Maracaibo, deuxième ville du pays.
Le scrutin pour désigner les 545 membres de l’assemblée constituante, qui vont réécrire la Constitution promulguée sous le défunt président Hugo Chavez en 1999, était sur le point de se clore hier soir, alors qu’au total neuf personnes sont décédées en 48 heures, ont indiqué les autorités.
Parmi eux, un candidat à la Constituante a été abattu chez lui et un dirigeant de l’opposition a été tué par balle. Deux adolescents de 13 et 17 ans et un militaire sont morts durant des manifestations.
Ce vote se déroule alors que le pays est au bord de l’effondrement économique. Depuis début avril, les manifestations antigouvernementales ont fait plus de 120 morts et des milliers de blessés.
« Nous sommes sûrs que nombre de ces actes violents — nous avons comptabilisé plus de 100 machines (électorales) détruites [...] — ont des motivations politiques », a déclaré le ministre de Défense, le général Vladimir Padrino Lopez.
INCIDENT TECHNIQUE
Un incident technique survenu lors du vote de M. Maduro a retenu l’attention. Au moment de faire valider en direct à la télévision son « carnet de la Patrie », carte dotée d’un code qui permet à la fois de voter et de bénéficier des programmes sociaux, un message s’est affiché : « la personne n’existe pas ou son carnet a été annulé ».
L’ambassadrice américaine à L’ONU, Nikki Haley, a averti hier que le Venezuela avait fait un « pas vers la dictature » avec cette élection très contestée. Les États-unis ont infligé des sanctions financières à 13 anciens et actuels responsables gouvernementaux vénézuéliens.
L’opposition, qui boycotte tout le processus et n’a donc présenté aucun candidat, a appelé à dresser des barricades dans tout le pays, bien que le gouvernement ait menacé de cinq à dix ans de prison ceux qui feraient obstacle au scrutin.
DÉRIVE « CASTRISTE »
Les antichavistes détiennent la majorité au Parlement et voient dans cette Constituante un moyen pour le président Maduro de se cramponner au pouvoir, contourner le Parlement, dominé par l’opposition, et éviter la présidentielle prévue fin 2018. Ils dénoncent une dérive vers un « régime à la cubaine ».
Le gouvernement assure que cette future assemblée, dont la durée du mandat n’est pas définie, sera un « super pouvoir », qui aura la capacité de dissoudre le Parlement, permettra au pays de se redresser économiquement.