Un homme fier et généreux
C’était en 1984, à l’occasion des Jeux olympiques de Sarajevo. J’avais fait le voyage entre Montréal et Sarajevo en compagnie de Maurice Filion.
À l’époque, c’était la grande rivalité entre le Canadien et les Nordiques.
Quatre ans plus tôt, à Lake Placid, Marcel Aubut et Gilles Léger avaient amorcé le processus pour accueillir à Québec les frères Stastny. Un événement qui avait secoué le monde du hockey et qui, du même coup, avait fait des Nordiques une équipe dans un groupe particulier.
À Sarajevo, Maurice Filion savait que Serge Savard et ses adjoints avaient de grandes ambitions.
Avant le début des Jeux, une semaine ou deux avant le coup d’envoi, Savard et le ministre des Sports du Canada, Jacques Olivier, avaient pris la direction de Moscou.
Ils avaient obtenu la permission de discuter avec les hautes instances du parti communiste pour la « libération » de Vladislav Tretiak, le gardien de l’union soviétique.
L’exercice consistait à rentrer à Montréal après les Jeux olympiques en compagnie de Tretiak et aussi de Chris Chelios, défenseur étoile de l’équipe des États-unis.
Seul Chelios put entrer au Forum, alors que le décès du secrétaire général du parti communiste Iouri Andropov, le 9 février 1984, empêcha Savard d’obtenir l’accord des dirigeants de la Fédération soviétique de hockey et des hautes instances du Parlement.
COMPÉTITION INTENSE
Au cours du voyage, Filion effleura le sujet.
« Je pense qu’au retour à la maison la compétition sera encore plus intense », avait-il laissé tomber avec un petit sourire en coin. Il avait une façon bien particulière de chercher l’information.
Les Nordiques, avec Peter Stastny, étaient une force en attaque. C’était une équipe spectaculaire en pleine ascension. Le grand Serge ne voulait surtout pas que l’écart se creuse entre les deux organisations.
Une fois débarqué à Sarajevo, sous une neige abondante, Filion m’offrit l’hospitalité à l’appartement que les Nordiques avaient loué parce que je ne trouvais pas de moyen de transport pour me rendre au village des médias.
« Ce sera un tournoi intéressant, m’avait-il confié. Et avec ce qui s’est passé à Lake Placid il y a quatre ans, avec la décision prise par les Statsny, toutes les équipes de la Ligue seront sur le qui-vive. » – Et toi, Maurice ? – Nous aussi. On va nous surveiller de très près parce qu’on a déjà vécu une expérience unique lors des Jeux de 1980. Autant dire qu’on va nous tenir à l’oeil. Mais c’est correct ainsi... »
Maurice Filion était un homme généreux. Il avait toujours quelques bonnes histoires à raconter et sans dire qu’il était un livre ouvert, il savait comment piquer la curiosité de ceux qui l’interrogeaient sur les activités de son organisation et de la Ligue nationale.
UN AMBASSADEUR
Au coeur d’une grande rivalité, sans doute la plus intense de l’histoire de la Ligue nationale, Maurice ne se défilait pas dans l’adversité. Il occupait le premier rang quand ça ne tournait pas vraiment rond. Et il laissait toute la place à ses adjoints et à ses conseillers quand les Nordiques se démarquaient.
C’était un homme fier. Un homme qui a exercé sa profession dans des conditions difficiles. Il n’avait pas les mêmes budgets que la plupart des autres formations du circuit, mais il parvenait tout de même à bâtir des équipes capables de rivaliser avec les meilleures du circuit.
C’était aussi un ambassadeur, et comme l’expliquait Michel Bergeron, c’était un homme de compromis sur qui l’entraîneur pouvait compter dans les moments difficiles.
C’était Maurice l’homme calme, enfin la plupart du temps, et « Bergie » l’émotif. Parfois, les discussions étaient animées, mais les deux décideurs menaient la barque avec passion. Les deux hommes se complétaient bien.
Maurice Filion s’inscrit comme l’un des grands personnages de l’histoire du hockey au Québec, particulièrement dans la vieille capitale. Depuis les Remparts, à l’époque du grand Guy Lafleur, jusqu’à l’époque des Nordiques. On n’oubliera jamais sa grande générosité et sa passion pour le hockey.