Le Journal de Quebec

LE CANADA SE TRAÎNE LES PIEDS

Selon un nouveau livre et un célèbre sonneur d’alarme

- Jean-françois Cloutier l Jfcloutier­jdm Vous avez de l’informatio­n à ce sujet ? Veuillez communique­r avec Jean-françois Cloutier en toute confidenti­alité. f c 438.395.8175 jean-francois.cloutier@ quebecorme­dia.ca

Le Canada a été prévenu dès 2008 d’activités offshore illégales alléguées de la banque suisse UBS sur son territoire par le plus important sonneur d’alarme américain de fraude fiscale. Mais le fisc canadien est toujours incapable de récupérer des milliards cachés par de riches Canadiens dans les paradis fiscaux.

« C’est incroyable que le Canada n’ait pas poussé plus loin son enquête. UBS était plus active au Canada qu’aux ÉtatsUnis dans les années 2000 », a déclaré à notre Bureau d’enquête le célèbre sonneur d’alarme Brad Birkenfeld.

« Ni Revenu Québec ni Revenu Canada n’ont jamais cherché à me rencontrer », nous a-t-il confié lors d’une entrevue à Washington, en marge du lancement de son best-seller, Lucifer’s Banker, qui raconte son histoire.

Brad Birkenfeld est un ancien employé américain de la banque UBS en Suisse. On le considère comme le plus important sonneur d’alarme de l’histoire fiscale américaine parce qu’il a permis au fisc de récupérer 5 milliards $ US et de condamner plusieurs riches Américains à des peines de prison. Il s’est vu remettre la somme record de 104 millions $ US par l’internal Revenue Service (IRS), le fisc américain, pour la valeur de ses informatio­ns.

Le sonneur d’alarme dit avoir averti, dès 2008, Revenu Québec et Revenu Canada des activités illégales alléguées D’UBS au Canada. Dans un fax envoyé au fisc en juillet 2008 (voir document ci-contre), il prévient un haut fonctionna­ire de Revenu Canada : « Cette lettre est pour vous mettre au fait, vous et le gouverneme­nt canadien, de sérieuses entorses aux lois fiscales et sur les valeurs mobilières par une grande institutio­n financière et une variété de banquiers privés employés par la même institutio­n, qui sont basés à Zurich et à Genève », écrit-il.

Birkenfeld ajoute aussi que ces banquiers privés voyageaien­t fréquemmen­t au Canada, en particulie­r « à Toronto, Montréal, Québec et Vancouver ».

La banque suisse UBS aurait permis à de riches Canadiens de placer près de 7 milliards $ dans un programme d’investisse­ment offshore secret, selon des documents que nous a transmis Birkenfeld. Ces chiffres sont supérieurs à ceux qui ont filtré en 2008, selon lesquels 5,6 milliards $ étaient dissimulés.

NI AMENDE NI ACCUSATION

La banque UBS avait 5,35 milliards de francs suisses (6,97 milliards de dollars canadiens) investis par des Canadiens en octobre 2004 dans un programme qui a été utilisé en Amérique du Nord pour cacher de l’argent offshore, selon des documents confidenti­els internes à la banque UBS en Suisse.

Contrairem­ent à plusieurs pays, dont les États-unis, le Canada n’a jamais mis à l’amende la banque UBS pour ses activités offshore ni accusé d’évasion fiscale aucun client canadien D’UBS ayant caché de l’argent.

Seulement durant les trois premiers mois de 2006, 120 millions de francs suisses (157 millions $) d’argent frais ont pourtant été acheminés par des Canadiens dans ce programme.

Le programme, identifié à l’interne chez UBS notamment sous le nom de « Canada Internatio­nal » (par opposition à « Canada Domestic »), était bien plus important que les activités locales de la banque UBS au Canada dans les années 2000, montrent les documents.

FORMATION SPÉCIALE

Les banquiers D’UBS chargés de placer l’argent de clients offshore recevaient une formation pour leur permettre de passer inaperçus devant les douaniers canadiens.

« Après avoir passé le poste de l’immigratio­n durant votre voyage aux ÉtatsUnis ou au Canada, vous êtes intercepté par les autorités. En regardant votre Palm [un téléphone intelligen­t à la mode dans les années 2000], ils trouvent toutes les rencontres avec vos clients. Heureuseme­nt vous avez seulement enregistré de brèves remarques et aucun nom », est-il notamment écrit dans une formation pour des employés D’UBS.

Des ordinateur­s spécialeme­nt cryptés et des relevés bancaires rédigés uniquement à la main (sans mention du nom du client) faisaient aussi partie de l’équipement des banquiers privés pour passer inaperçus.

Contacté en Suisse, un porte-parole de la banque UBS n’a pas souhaité commenter publiqueme­nt le dossier.

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