Le Journal de Quebec

Joseph Facal en Catalogne

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J’aime mieux être totalement franc dès le départ. Je vais essayer d’être le plus honnête possible, mais je traîne du bagage personnel. Laissez-moi vous expliquer. Comme vous le savez peut-être, je suis né en Uruguay, un petit pays d’amérique latine coincé entre l’argentine et le Brésil.

Du côté de ma mère, il y a de lointaines origines italiennes. Du côté de mon père, mon grand-père et ma grand-mère sont tous les deux nés en Espagne.

Ils sont arrivés en Uruguay dans les années 1920. Ils venaient de la Galice, la région au nord-ouest de l’espagne.

Ils étaient tous les deux issus de familles nombreuses, mais eux seuls ont quitté l’espagne.

Ils sont partis parce que, dans les familles rurales, c’est le fils aîné qui devenait le patron à la mort du patriarche.

Il était hors de question que mon grand-père paternel prenne des ordres de lui. Je connais moins les faits du côté de celle qui fut sa femme.

TOUTE PETITE BRANCHE

Les Facal d’amérique latine et du Québec sont donc une toute petite branche de l’arbre.

Le tronc de l’arbre, si je puis m’exprimer ainsi, est resté en Espagne, où j’ai donc de la lointaine parenté, puisque les frères et soeurs de mes grands-parents espagnols ont eu plusieurs fils et filles.

On ne se voit pas souvent, mais on garde le contact et je suis très attaché à eux.

En 2009-2010, quand j’ai vécu un an à Madrid, avec ma femme et mes enfants, nous sommes partis les voir.

C’était la première fois qu’on se rencontrai­t en personne. Un moment d’une très grande émotion.

On m’a raconté des pans entiers d’une histoire familiale que je ne connaissai­s pas, l’histoire d’une famille espagnole comme tant d’autres, divisée par la guerre civile.

J’ai pu consulter et mieux comprendre l’arbre généalogiq­ue. J’ai fouillé dans des boîtes de vieilles photos brunies par le temps.

AMIS

À Madrid, je me suis aussi lié d’amitié avec les parents des copains et copines que mes enfants se sont faits à l’école de quartier.

Ni avec ma famille de Galice ni avec mes amis de Madrid, nous n’avons discuté de la question catalane.

Je ne soulevais pas le sujet malgré ma curiosité. Je ne voulais pas créer de tensions.

Mais je sais bien que leur Espagne inclut la Catalogne. L’indépendan­ce de la Catalogne, si elle survenait un jour, leur causerait beaucoup de peine.

Je comprends et respecte cela. Alors, je me taisais.

De toute façon, je pouvais aisément en parler avec les professeur­s de l’université où j’étais basé, dont c’était le métier que de discuter de ces questions.

D’un autre côté, en tant que souveraini­ste québécois, comment voulez-vous que je ne sois pas sensible à ce que ressentent tant de Catalans et à leur rêve ?

Les Catalans sont indiscutab­lement un peuple distinct, comme les Québécois, une distinctio­n culturelle et non ethnique.

Une majorité d’entre eux, même parmi ceux qui ne sont pas nécessaire­ment souveraini­stes, est mal à l’aise dans l’espagne d’aujourd’hui, et depuis longtemps.

Une majorité d’entre eux veut pouvoir se prononcer librement sur son avenir politique, comme les Québécois l’ont fait deux fois, ce que le gouverneme­nt de Madrid leur nie.

HONNÊTETÉ

Comme nous, ils cherchent des façons de protéger leur identité, de construire une société à leur goût, de réconcilie­r la fidélité au passé avec les enjeux du présent et du futur.

J’imagine que bien des Canadiens de descendanc­e britanniqu­e ont dû éprouver une ambivalenc­e comme la mienne lors du référendum écossais de 2014.

L’objectivit­é, disait Durkheim, c’est de « considérer les faits sociaux comme des choses ». Est-ce vraiment possible en politique ?

L’honnêteté intellectu­elle, c’est de jouer franc-jeu et de faire de son mieux sachant les difficulté­s qui vous guettent.

Je choisis la seconde.

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PHOTO AFP Des étudiants en faveur de l’indépendan­ce de la Catalogne montraient leurs couleurs hier à l’université de Barcelone.

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