Ces « sauvages » qu’on devait dompter
Jamais un chef de gouvernement n’a osé dire si ouvertement les choses telles qu’elles sont. Le premier ministre, Justin Trudeau, l’a fait devant l’assemblée générale des Nations unies, le 21 septembre dernier.
Il a admis que la mission civilisatrice des Blancs visant à dompter « les sauvages du Canada » a été une immense tragédie et que le temps est venu pour réparer les torts.
Je ne suis pas toujours d’accord avec Justin Trudeau sur certains aspects de sa politique nationale et internationale, mais sur la question des autochtones, je salue son courage. Avouer « la honte » du Canada pour le sort qu’il a fait subir à ses Premières Nations. Il faut le faire !
UN HÉRITAGE DOULOUREUX
Leurs origines remonteraient à plus de 40 000 ans, mais dans « l’histoire officielle », leur présence ne commençait qu’avec l’arrivée de Christophe Colomb, en 1492. Ils comptaient alors pour environ 50 millions d’âmes sur le continent américain avant d’être anéantis par millions, par les maladies infectieuses, introduites d’europe et contre lesquelles ils étaient sans défense et par les sinistres politiques d’extermination et les massacres.
Le Canada s’est toujours vanté de ne pas avoir d’histoire coloniale, mais ce pays et ses immenses richesses ont été arrachés à ses premiers occupants, depuis le 16e siècle. Le reste n’a été qu’histoire d’asservissement et de dépossession.
Réduits à une population de 1,4 million, ils vivent, pour la plupart, dans des conditions dégradantes avec une jeunesse réduite à se noyer dans l’alcool et les drogues pour échapper à sa souffrance.
J’ai visité des communautés autochtones au Québec et ailleurs au Canada et le mot « honte » n’est pas assez fort pour décrire la misère dans laquelle elles vivent, parquées dans des logements insalubres, où règnent la promiscuité et la violence.
Plus qu’une expérience d’« humiliations, (de) négligences et d’abus », comme l’a dit Justin Trudeau, le sort des Autochtones du Canada a été et demeure une tragédie humaine d’une grande ampleur.
POUR UNE PAIX DES BRAVES
La bonne nouvelle, c’est qu’après neuf ans d’entêtement, le gouvernement fédéral s’est finalement résigné à signer, en 2016, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et Justin Trudeau entend s’en servir comme guide « pour refonder le partenariat » qu’il entend leur offrir.
Il se propose de bâtir sur de nouvelles « structures qui respectent le droit inhérent des Autochtones à s’autogouverner et à déterminer leur propre avenir ». C’est la voie à suivre en se gardant bien de ne pas empiéter sur les compétences des provinces. Leur collaboration est essentielle au succès de cette grande réconciliation.
Au-delà des symboles, c’est dans les actions concrètes qu’on jugera de la volonté réelle de ce gouvernement et des communautés autochtones à s’engager dans une véritable « Paix des Braves » à l’échelle du Canada.
Ce n’est pas avec ses selfies et ses couleurs de chaussettes, que Justin Trudeau entrera dans l’histoire. Par contre, s’il réussit à mettre ce chantier sur les rails, ses chances sont grandes pour être un grand premier ministre.