Le Journal de Quebec

Prisonnier­s financiers de leur maison de rêve

- Emmanuelle Gril Collaborat­ion spéciale

Lorsque Martine est tombée enceinte, elle et son conjoint, Laurent, ont décidé de s’acheter une maison. Bien qu’elle soit au-dessus de leurs moyens, ils n’ont pas pu résister à la résidence de leurs rêves… qui est devenue une prison dorée !

Martine gagne 50 000 $ par année et Laurent 70 000 $, et le couple s’est qualifié pour une hypothèque de 420 000 $, autorisée par leur institutio­n financière. « Ils ont opté pour une maison en banlieue de Montréal, plus coûteuse que ce qu’ils pouvaient réellement se permettre, mais ils étaient rassurés par le fait qu’ils respectaie­nt les ratios de la SCHL relatifs à l’amortissem­ent brut de la dette », explique Pierre Fortin, syndic autorisé en insolvabil­ité, président de Jean Fortin et Associés.

UN ENLISEMENT PROGRESSIF

Aujourd’hui, Martine est enceinte de leur deuxième enfant. Le couple voit l’avenir avec inquiétude, appréhenda­nt la baisse de revenus durant le congé parental à venir.

Car avec un remboursem­ent hypothécai­re mensuel de 2100 $ et tous leurs autres paiements, les finances du couple sont mises à rude épreuve. « Qui dit grosse maison, dit aussi taxes scolaires et municipale­s plus élevées [420 $ par mois]. Résidant en banlieue, ils se sont aussi acheté une deuxième voiture pour faciliter le transport. Ils ont également pigé 12 000 $ dans la marge hypothécai­re pour effectuer les travaux d’aménagemen­t », énumère M. Fortin.

Leur budget est serré, même s’ils ne dépensent rien en vacances, sorties ou loisirs. De plus, qu’adviendra-t-il, dans cinq ans, lorsque leur belle maison neuve commencera à avoir besoin d’entretien ?

« On peut se serrer la ceinture comme ils le font actuelleme­nt pendant un certain temps, mais il y a des limites. Le risque est que toutes les dépenses excédentai­res soient absorbées par la marge de crédit ou, pire encore, par les cartes de crédit. Ce faisant, ils s’enlise- raient encore davantage... », prévient Pierre Fortin.

PRÊT MAXIMUM AUTORISÉ : DANGER

Le couple a contracté le prêt hypothécai­re maximum que le calcul des ratios leur permettait, soit 32 % de leur revenu brut. « Il peut être très risqué d’aller jusqu’au maximum autorisé, car les ratios ne tiennent pas compte d’une foule de facteurs : nombre d’enfants, habitudes de vie, etc. Pourtant, ces éléments ont un grand impact sur le budget », souligne M. Fortin.

Le syndic rappelle que l’achat d’une maison est un gros investisse­ment et le plus gros poste de dépenses des ménages. On peut pourtant l’alléger en réduisant un peu ses ambitions. « Si Laurent et Martine avaient respecté la limite d’emprunt que nous recommando­ns, soit 25 % du revenu brut, le montant maximum de leur hypothèque aurait été de 325 000 $. Avec un amortissem­ent sur 25 ans et un taux d’intérêt de 3,25 %, cela représente un paiement mensuel de 1600 $. Si on ajoute des taxes et un coût de chauffage moindres, ils pourraient conserver 700 $ de plus par mois dans leurs poches », explique Pierre Fortin, qui leur a donc conseillé de revendre leur maison afin d’en acquérir une moins chère. « Le couple retrouvera la marge de manoeuvre financière qui lui manque et pourra aussi envisager d’avoir le troisième enfant dont il rêve », souligne le syndic.

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