EXTRAITS DU LIVRE
« Les entreprises canadiennes, pas plus que les personnes fortunées, ne se privent d’utiliser massivement les paradis fiscaux, déformant même les statistiques sur l’investissement étranger, qui peuvent paraître aberrantes à première vue. Là encore, d’ailleurs, contrairement à la croyance populaire, il semble que la tendance est loin de s’estomper, allant plutôt dans le sens d’une utilisation accrue des paradis fiscaux dans les dernières années. Selon des chiffres de Statistique Canada, les investissements directs canadiens dans les paradis fiscaux ont augmenté de 100 milliards $ en 10 ans. De façon remarquable, cette hausse a eu lieu alors même que les dirigeants des pays les plus riches ont déclaré publiquement vouloir s’attaquer au problème de la finance offshore et du non-paiement des impôts par les gens plus riches. Il ressort du coup, que la Barbade, un micro-état situé en mer des Caraïbes dont la population est d’à peine 300 000 habitants, est aujourd’hui sur papier le troisième partenaire financier en importance du Canada. Les États-unis sont au premier rang (474,4 milliards $), suivis du Royaume-uni (97,9 milliards $). La Barbade enregistrait en 2016 des investissements canadiens colossaux de l’ordre de 68,3 milliards, tandis que les îles Caïmans recueillaient 47,9 milliards la même année, et les Bermudes recevaient 39,4 milliards $. » Un banquier bahamien nous a raconté qu’il était fréquent à une certaine époque que des valises remplies de billets verts [certains encore mouillés à cause d’un passage en mer] soient livrées directement dans les banques du coin. Les Bahamas ont aussi servi de base de repli pendant longtemps pour les trafiquants de drogue. D’ailleurs, la Banque Scotia s’est retrouvée dans l’embarras dans les années 1980 aux États-unis lorsqu’elle a dû admettre que ses succursales des Caraïbes avaient recueilli les dépôts de trafiquants de drogue. »
Une des tactiques les plus répandues et les plus utilisées par les riches Canadiens et qui, si elle est bien appliquée, peut faire économiser une fortune en toute légalité, consiste pour plusieurs riches contribuables à devenir résident fiscal d’un paradis fiscal, tout en demeurant citoyen d’un autre pays. On a de cette façon le beurre et l’argent du beurre. On profite des avantages que procure la citoyenneté canadienne. Par exemple, on peut voyager avec un passeport canadien partout dans le monde. On peut arborer une citoyenneté bien connue et respectée. On peut même voter sous certaines conditions. Mais on n’a pas à acquitter les charges fiscales qui viennent avec. Cette technique est souvent utilisée par des vedettes du sport ou des arts, qui jouissent de revenus importants mais irréguliers. »
C’est une fiducie offshore que la femme d’affaires québécoise Lise Watier a mise sur pied à la Barbade en 1998 quand elle a voulu préparer un plan “en vue d’une possible future vente des actions de Lise Watier Cosmétiques”. Le trust, baptisé Omega Trust, a été le bénéficiaire de l’argent de la vente de la compagnie de Mme Watier à la firme ontarienne Imperial Corporation en 2007. Omega Trust s’est retrouvé devant les tribunaux au début des années 2010 parce que le fisc alléguait que cette fiducie créée à la Barbade, qui était en apparence sans aucun lien de dépendance avec Mme Watier, était en réalité uniquement contrôlée par elle et son mari, Serge Rocheleau. »