«LE GRAND VIDE» À KAHNAWAKE
KAHNAWAKE | Trente-trois ouvriers mohawks sont morts dans l’effondrement du pont en 1907, laissant derrière eux 25 veuves, 56 orphelins et une communauté dévastée. Encore aujourd’hui, Kahnawake se souvient de cette tragédie.
Ils étaient 36 à faire partie de la working gang mohawk en place sur le pont de Québec le jour où la structure s’est effondrée dans le fleuve Saint-laurent. Seuls trois ont survécu. Quand la nouvelle est parvenue à Kahnawake, la consternation s’est abattue sur le village. Chaque membre de la communauté a été affecté par la perte d’un proche ou d’un membre de la famille.
La plus jeune victime avait à peine 18 ans. L’aîné, 48. « Ça a laissé un grand vide dans la communauté », évoquent Cathy Rice et Valerie Delisle, que Le Journal a rencontrées à Kahnawake.
Des familles ont été déchirées. Celle de Peter D’ailleboust a été particulièrement affectée avec la perte de quatre fils, un oncle, un cousin et un beau-frère.
LA FORCE DES FEMMES
Les femmes ont dû prendre en charge leur famille. « Ce sont elles qui ont décidé qu’à partir de ce moment, plus jamais les hommes n’iraient travailler tous ensemble sur un même projet. La dévastation avait été trop grande », relate Valerie Delisle, qui salue la « force des femmes mohawks ».
À plusieurs endroits dans la petite ville autochtone, des symboles rappellent le sacrifice des ouvriers de l’acier qui ont laissé leur vie à Québec. Deux croix faites avec du métal recueilli sur les lieux du désastre marquent l’entrée et la sortie de la ville. L’arche du cimetière aurait aussi été en partie confectionnée avec l’acier du pont de Québec. Le musée de l’église catholique de la mission Saint-françois-xavier fait également une place de choix à un tableau commémoratif des travailleurs décédés. Chaque année depuis trois ans, à la date anniversaire de l’accident, une messe est célébrée.
Depuis 2007, un mémorial dont la forme rappelle la silhouette du pont fait face au fleuve, qui demeure le tombeau de 14 membres de la communauté dont les corps n’ont jamais été retrouvés. Si Mmes Delisle et Rice ont piloté sa réalisation, c’est toute la communauté qui a mis la main à la pâte et qui continue de l’entretenir bénévolement.
« RÉSILIENCE »
« Nous ne voulions pas que les gens oublient, insiste Cathy Rice. Le monument était une façon de nous connecter à nos ancêtres. Cela démontre notre résilience. Nous avons survécu à cet événement tragique. Nous avons honoré les hommes qui ont perdu la vie et leur contribution à l’industrie de l’acier. »
Donna Kanerahtenhawi Jacobs, dont l’arrière-grand-père Louis Albany a péri dans l’effondrement, rappelle l’importance de garder en mémoire l’héritage laissé par les 33 hommes. Encore aujourd’hui, dit-elle, les jeunes de sa communauté perpétuent le travail accompli par les générations qui les ont précédés dans le domaine de l’acier. « C’est important d’honorer leur mémoire », dit-elle.