Le Journal de Quebec

PAS FACILE DEMOURIRDA­NS LA DIGNITÉ

Ce médecin a accompagné 25 patients vers la mort

- PIERRE-PAUL BIRON

La loi en vigueur depuis près de 2 ans est souvent inhumaine et trop rigide, dénonce le Dr Pierre Viens

Interpellé­s par le débat actuel entourant l’aide médicale à mourir, les membres d’une famille ayant vécu le processus jusqu’au décès de leur mère en début d’année se font le devoir de raconter leur vécu, « une histoire de sérénité et de dignité ».

Jeanne Roy s’est éteinte à son domicile le 6 janvier dernier, à l’âge de 78 ans. Tout en douceur, allongée dans son lit et entourée des siens, on a mis fin aux souffrance­s innommable­s que lui causait notamment un virulent cancer des poumons. L’aide médicale à mourir était devenue l’ultime libération pour la dame qui ne parvenait même plus à se nourrir.

Six mois plus tard, quatre de ses enfants racontent ces derniers moments comme étant une des choses les plus humaines qu’ils ont vécue. Oui, ils vivent un deuil aujourd’hui, mais ils le qualifient tout simplement de « beau deuil ».

« Quand elle a vu rentrer le médecin dans la chambre, ses yeux sont devenus brillants et elle essayait de se lever pour lui prendre les mains », se rappelle Johanne Langlois, entourée de ses soeurs Linda et Andrée, ainsi que de son frère Pierre.

Après les derniers adieux, les paroles du docteur responsabl­e de la cérémonie ont marqué la famille à jamais. « Le médecin lui flattait les mains et lui a dit “Jeanne, je vais t’ouvrir les portes du paradis”. C’était un vrai concentré d’amour et d’émotions », se rappelle Andrée.

GARDER LE CONTRÔLE

À l’automne précédant le décès de Mme Roy, c’est son fils Pierre qui avait abordé le premier la question avec elle. Encore troublé par le décès de son père à l’hôpital, l’homme ne voulait pas revivre ces moments difficiles.

« Je n’aime pas le principe de mourir à l’hôpital. C’est impersonne­l, c’est froid. L’aide médicale à mourir lui permettait d’être ici, chez elle, jusqu’à la fin », explique Pierre, qui vivait avec sa mère et s’occupait d’elle depuis plusieurs années.

En choisissan­t l’aide médicale à mourir, la septuagéna­ire a donc pu « garder le contrôle sur sa vie » et, par le fait même, sa dignité jusqu’à la toute fin, insistent ses enfants. Choix de son urne, choix de l’endroit, choix de qui allait l’entourer et, surtout, choix du moment, les quatre enfants n’ont jamais regretté la décision finale de leur mère.

« On a eu le temps de tout se dire. On a pu se coller dans le lit avec elle l’un après l’autre, comme quand on était petits », confie Linda encore émue en repensant à ces moments en famille.

L’IMPORTANCE D’EN PARLER

Leur mère étant l’une des rares Québécoise­s à avoir pu satisfaire à tous les critères de l’aide médicale à mourir (voir encadré), les Langlois trouvent important aujourd’hui de parler de ce qu’ils ont vécu.

« Quand on dit ça, il y a souvent un petit pas de recul, comme si ça faisait peur aux gens. Mais ils posent beaucoup de questions et c’est important qu’on réponde. Il faut en parler », insiste Pierre.

« Il faut le dire que c’est un vrai accompagne­ment de qualité, ajoute Johanne. Les médecins ne sont pas là juste pour la personne qui fait la demande, mais ils sont là pour toute la famille. »

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 ??  ?? Linda, Johanne, Pierre et Andrée Langlois sont dans la chambre où leur mère s’est éteinte, en douceur, entourée des siens. PHOTO STEVENS LEBLANC
Linda, Johanne, Pierre et Andrée Langlois sont dans la chambre où leur mère s’est éteinte, en douceur, entourée des siens. PHOTO STEVENS LEBLANC

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