Joly forcée de se défendre sur toutes les tribunes
L’accord de la ministre avec Netflix était critiqué de toutes parts hier encore
OTTAWA | Malgré une vaste opération de relations publiques, la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, a été incapable de calmer la grogne suscitée par sa décision de ne pas soumettre Netflix aux mêmes règles que les producteurs et créateurs d’ici.
« L’immense brèche qu’on ouvre aujourd’hui envoie un message inquiétant pour notre industrie québécoise et canadienne », réagit la fiscaliste Marwah Rizqy.
« On déroule le tapis rouge aux multinationales étrangères en leur donnant des congés fiscaux. Clairement, on les invite à mettre en faillite nos entreprises », fulmine-t-elle.
La ministre Joly a passé la journée d’hier à défendre, souvent péniblement, sur de nombreuses tribunes, à la radio et à la télévision, son entente avec le géant américain du divertissement ( voir un exemple ci-contre).
Malgré une demande d’entrevue, Mme Joly n’a pas rappelé Le Journal.
Selon l’accord, Netflix promet d’investir dans les cinq prochaines années 500 millions $ pour produire du contenu canadien.
En échange, le géant américain n’aura pas à facturer les taxes aux consommateurs d’ici, contrairement à ses concurrents canadiens comme le Club illico et Tou.tv Extra.
De plus, aucun contenu minimal francophone ne lui a été imposé.
En entrevue sur les ondes de LCN, la ministre a martelé qu’elle ne voulait pas que les consommateurs canadiens soient encore taxés.
PROTÉGER LES CITOYENS
« On a des frais internet très élevés, les plus élevés au monde. Moi, je voulais protéger les citoyens », a-t-elle déclaré.
Le président et chef de la direction de Québecor et propriétaire du Journal, Pierre Karl Péladeau, n’accepte pas cet argument. Il rappelle que le gouvernement fédéral va indirectement refiler la facture aux contribuables en haussant sa contribution à la culture pour pallier le manque à gagner causé par le passe-droit fiscal offert à Netflix.
« Ils ne vont peut-être pas augmenter le fardeau fiscal des contribuables, mais ils vont augmenter l’endettement du Canada », explique-t-il.
M. Péladeau est d’avis que le gouvernement Trudeau a évité de taxer Netflix par simple calcul politique.
« Ça prend une volonté politique, mais elle n’existe pas parce que la volonté, c’est de faire de l’électoralisme », peste-t-il.
Un avis que partage la spécialiste Marwah Rizqy.
Même le ministre québécois de la Culture, Luc Fortin, est revenu à la charge hier pour critiquer l’accord.
PLAN DE MATCH
Malgré la vague de protestation, la ministre Joly ne compte pas reculer, et se dit convaincue que son plan sera éventuellement compris.
« J’ai un plan de match qui est difficile. Je suis la première ministre de la Culture au monde à arriver avec un tel plan. Mais mon objectif est de préserver notre secteur », ajoute-t-elle.
Or, Marwah Rizqy rappelle que les autres pays ont tous tendance à aller vers la taxation des géants du numérique.
Dans un échange de courriels, Netflix a assuré que son « investissement de 500 millions $ comprendra des productions en français et en anglais ».
« J’AI UN PLAN DE MATCH QUI EST DIFFICILE. JE SUIS LA PREMIÈRE MINISTRE DE LA CULTURE AU MONDE À ARRIVER AVEC UN TEL PLAN. MAIS MON OBJECTIF EST DE PRÉSERVER NOTRE SECTEUR. » – Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien