Couillard en phase « tabarnouche »
Philippe Couillard a annoncé récemment que son gouvernement entrerait dans une nouvelle phase.
Jeudi, on a compris que cela impliquerait, entre autres, un changement de langage.
Voulant encourager des travailleurs de Bombardier réunis dans un hangar à Mirabel, il vanta l’aéronef qu’ils fabriquent : « Comme Québécois, je suis fier en tabarnouche ! »
Un peu plus et le premier ministre, pourfendant « l’injustice » des Américains et de Boeing, puisait dans le lexique d’église du syndicaliste Michel Chartrand.
« PARLER PEUPLE »
En appuyant sur un « enwouillèye » et après avoir poussé : « vous avez entendu kessé qu’ j’ai dit hier ? », il demanda à l’auditoire de scander son nouveau mantra : « Pas un boulon, pas une pièce, pas un avion » ne doit être acheté à Boeing au Canada tant que le différend dure.
Il arrive à tous les politiciens, même à ceux qui ont une langue châtiée, de se mettre à parler « peuple ».
En se lançant dans la course à la direction du PQ, Jean-françois Lisée avait soutenu que s’il devenait premier ministre, il formerait un « osti » de bon gouvernement. Sa mère – avec raison ! – l’avait grondé.
Revenons à M. Couillard : en s’exprimant comme il l’a fait jeudi, il montre qu’il est résolument plongé dans un état d’esprit électoral.
Le même qu’il avait brièvement adopté lors de la campagne de 2014. Lui, le neurochirurgien qui use parfois de l’imparfait du subjonctif, s’était donné le slogan populiste de « Ensemble, parlons des vraies affaires ».
VIRAGE
La phase « tabarnouche » ne se limitera cette fois pas à un « parler peuple ».
Non, il sous-tendra aussi une dose de nationalisme.
Une idée que, paradoxalement, Philippe Couillard a refusé d’honorer, voire a pourfendue, depuis son élection.
Entre autres… en « oubliant » de parler en français en Islande, en laissant entendre que le Québec devrait s’ouvrir à Énergie Est par gratitude (on reçoit de la péréquation !), etc.
Depuis 2014, M. Couillard soupçonne constamment les nationalistes d’être habités des pires démons de l’« exclusion ».
Aussi, cette semaine, il était rafraîchissant de le voir enfin défendre vigoureusement les intérêts du peuple qu’il représente.
Même belle surprise d’entendre le ministre de la Culture Luc Fortin, jeudi, condamner la politique du patrimoine de la ministre fédérale Mélanie Joly.
Certes, une politique aussi nulle ne méritait pas autre chose, mais le ministre s’est exécuté de manière franche.
LE HOCHET DU NATIONALISME ?
Il reste toutefois à M. Fortin à traduire cette colère en gestes. Forcer Netflix à percevoir la TVQ serait un bon début.
Ensuite, il pourrait renouer avec un projet qui sembla cher à son patron Jean Charest, en septembre 2008. (M. Fortin a longtemps été conseiller de l’ex-premier ministre.) Face au « Joly néant » présenté jeudi, MM. Couillard et Fortin pourraient réclamer une entente bilatérale Québec-ottawa par laquelle on reconnaîtrait au Québec « le rôle de maître d’oeuvre des investissements en matière de culture sur son territoire » (Mots de M. Charest à l’époque). Au moment où Jean Charest avait lancé l’idée, son gouvernement était minoritaire. À l’automne 2008, il s’était montré nationaliste comme jamais auparavant.
Une fois redevenu majoritaire, en décembre, son gouvernement ne fit à peu près rien pour concrétiser la « souveraineté culturelle » à la Charest.
La ministre de la Culture de l’époque, Christine St-pierre, expédia une missive au fédéral qui resta sans réponse.
L’enjeu nationaliste (rapatrier la culture) semblait avoir servi de hochet électoral.
Plusieurs phases « tabarnouche » du PLQ ont ainsi fini, depuis 2003 : de brèves fièvres sans trop de lendemains. Sera-ce le cas cette fois-ci ?