Le Journal de Quebec

Couillard en phase « tabarnouch­e »

- antoine.robitaille @quebecorme­dia.com

Philippe Couillard a annoncé récemment que son gouverneme­nt entrerait dans une nouvelle phase.

Jeudi, on a compris que cela impliquera­it, entre autres, un changement de langage.

Voulant encourager des travailleu­rs de Bombardier réunis dans un hangar à Mirabel, il vanta l’aéronef qu’ils fabriquent : « Comme Québécois, je suis fier en tabarnouch­e ! »

Un peu plus et le premier ministre, pourfendan­t « l’injustice » des Américains et de Boeing, puisait dans le lexique d’église du syndicalis­te Michel Chartrand.

« PARLER PEUPLE »

En appuyant sur un « enwouillèy­e » et après avoir poussé : « vous avez entendu kessé qu’ j’ai dit hier ? », il demanda à l’auditoire de scander son nouveau mantra : « Pas un boulon, pas une pièce, pas un avion » ne doit être acheté à Boeing au Canada tant que le différend dure.

Il arrive à tous les politicien­s, même à ceux qui ont une langue châtiée, de se mettre à parler « peuple ».

En se lançant dans la course à la direction du PQ, Jean-françois Lisée avait soutenu que s’il devenait premier ministre, il formerait un « osti » de bon gouverneme­nt. Sa mère – avec raison ! – l’avait grondé.

Revenons à M. Couillard : en s’exprimant comme il l’a fait jeudi, il montre qu’il est résolument plongé dans un état d’esprit électoral.

Le même qu’il avait brièvement adopté lors de la campagne de 2014. Lui, le neurochiru­rgien qui use parfois de l’imparfait du subjonctif, s’était donné le slogan populiste de « Ensemble, parlons des vraies affaires ».

VIRAGE

La phase « tabarnouch­e » ne se limitera cette fois pas à un « parler peuple ».

Non, il sous-tendra aussi une dose de nationalis­me.

Une idée que, paradoxale­ment, Philippe Couillard a refusé d’honorer, voire a pourfendue, depuis son élection.

Entre autres… en « oubliant » de parler en français en Islande, en laissant entendre que le Québec devrait s’ouvrir à Énergie Est par gratitude (on reçoit de la péréquatio­n !), etc.

Depuis 2014, M. Couillard soupçonne constammen­t les nationalis­tes d’être habités des pires démons de l’« exclusion ».

Aussi, cette semaine, il était rafraîchis­sant de le voir enfin défendre vigoureuse­ment les intérêts du peuple qu’il représente.

Même belle surprise d’entendre le ministre de la Culture Luc Fortin, jeudi, condamner la politique du patrimoine de la ministre fédérale Mélanie Joly.

Certes, une politique aussi nulle ne méritait pas autre chose, mais le ministre s’est exécuté de manière franche.

LE HOCHET DU NATIONALIS­ME ?

Il reste toutefois à M. Fortin à traduire cette colère en gestes. Forcer Netflix à percevoir la TVQ serait un bon début.

Ensuite, il pourrait renouer avec un projet qui sembla cher à son patron Jean Charest, en septembre 2008. (M. Fortin a longtemps été conseiller de l’ex-premier ministre.) Face au « Joly néant » présenté jeudi, MM. Couillard et Fortin pourraient réclamer une entente bilatérale Québec-ottawa par laquelle on reconnaîtr­ait au Québec « le rôle de maître d’oeuvre des investisse­ments en matière de culture sur son territoire » (Mots de M. Charest à l’époque). Au moment où Jean Charest avait lancé l’idée, son gouverneme­nt était minoritair­e. À l’automne 2008, il s’était montré nationalis­te comme jamais auparavant.

Une fois redevenu majoritair­e, en décembre, son gouverneme­nt ne fit à peu près rien pour concrétise­r la « souveraine­té culturelle » à la Charest.

La ministre de la Culture de l’époque, Christine St-pierre, expédia une missive au fédéral qui resta sans réponse.

L’enjeu nationalis­te (rapatrier la culture) semblait avoir servi de hochet électoral.

Plusieurs phases « tabarnouch­e » du PLQ ont ainsi fini, depuis 2003 : de brèves fièvres sans trop de lendemains. Sera-ce le cas cette fois-ci ?

 ??  ?? Voulant encourager les employés de Bombardier, Philippe Couillard vanta l’avion qu’ils construise­nt : « Comme Québécois, je suis fier en tabarnouch­e ! »
Voulant encourager les employés de Bombardier, Philippe Couillard vanta l’avion qu’ils construise­nt : « Comme Québécois, je suis fier en tabarnouch­e ! »

Newspapers in French

Newspapers from Canada