Une députée enceinte. Quel scandale !
L’élection partielle du 2 octobre dans le comté de Louis-hébert a été riche en rebondissements.
Le dernier en date tourne autour de la grossesse d’une des candidates en lice.
FÉLICITATIONS GENEVIÈVE
Geneviève Guilbault, jeune caquiste de 34 ans, est enceinte de 27 semaines. Elle s’est lancée en campagne électorale, le 10 septembre dernier, alors qu’elle attendait un bébé pour décembre prochain.
En quoi la grossesse la rendait-elle moins apte à assumer ses fonctions si elle est élue députée? « C’est bien beau qu’elle se présente, mais elle accouche dans deux mois. Ça va lui prendre son congé de maternité; quand est-ce qu’elle va être là? » a déclaré l’une de ses électrices (Radio-canada, 23 septembre 2017).
Le simple fait que l’on s’interroge encore aujourd’hui sur la capacité d’une femme à mener à bien son projet de grossesse parallèlement à sa carrière professionnelle est en soi une source de préoccupation. Elles sont malheureusement nombreuses les femmes au Québec qui font face à la discrimination sur le marché du travail, due à leur maternité.
Une ministre qui m’avait précédée à l’assemblée nationale, dans les années 1970, m’avait dit un jour : « Dans mon temps, pour qu’une femme soit élue députée, il fallait qu’elle ait élevé ses enfants ou être vieille fille. »
Cinquante ans plus tard, la question se pose encore. Pourtant, le Québec a besoin de plus de femmes en politique et particulièrement de jeunes femmes. Or, les priver de leurs droits démocratiques à cause d’un congé de maternité est un motif de discrimination au regard de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
Geneviève Guilbault n’a pas à se justifier ni à s’excuser de sa maternité. La naissance d’un bébé ne doit pas être un handicap pour les femmes, mais un événement heureux dont il faut se réjouir, surtout pour un peuple qui s’obstine à se laisser mourir en conjuguant l’amorce de son déclin linguistique à celui de son déclin démographique.
LA GROSSESSE N’EST PAS UNE MALADIE
Aux électeurs de Louis-hébert qui s’inquiéteraient de l’absence appréhendée de leur candidate caquiste, advenant qu’elle soit élue députée, je leur rappelle que leur ancien député, Sam Hamad, s’est absenté de mars à juillet 2004, pour cause de maladie, pendant quatre des 22 mois où il était ministre des Ressources naturelles.
Cela n’a pas empêché le gouvernement de fonctionner et les citoyens de Louis-hébert n’ont pas eu à en souffrir. Au contraire, ils l’ont reconduit comme député à l’élection de 2007 et les suivantes.
Lorsque le ministre Pierre Moreau a été forcé de suivre un traitement de plusieurs mois, les électeurs de son comté et ceux du Québec ne se sont pas offusqués de son absence, au contraire, on lui a souhaité un prompt rétablissement.
Il en est de même pour le ministre de la Culture et des Communications, Luc Fortin, qui a abandonné ses fonctions temporairement, le 15 avril 2016, pour cause d’épuisement. C’est également le cas pour plusieurs parlementaires, dont Alexandre Cloutier, député de Lac-Saint-jean.
Alors pourquoi ce « deux poids deux mesures » quand il s’agit de la materni- té des femmes en politique ? Serait-ce que la grossesse est considérée comme un caprice de femmes alors que la maladie des hommes politiques est vue comme une circonstance atténuante ?