Le Journal de Quebec

Que savait le conseil de Lafarge ?

Le journal Le Monde révèle que le cimentier aurait des liens avec l’état islamique BUREAU D’ENQUÊTE

- Jean-françois Cloutier l Jfcloutier­jdm

Un ex-responsabl­e du géant du ciment Lafarge, une compagnie dont le Québécois Paul Desmarais Jr est administra­teur et actionnair­e, a reconnu que sa firme versait 20 000 euros par mois au groupe armé État islamique, selon des révélation­s du quotidien français Le Monde.

L’entreprise française aurait fait ces paiements de 2012 à 2014 pour continuer d’opérer une cimenterie dans le nord de la Syrie pendant la guerre civile. Dans son édition du 23 septembre, le quotidien français se demande si les administra­teurs étaient au courant de ces paiements occultes : « Alors que de nombreuses questions restent posées, dont le rôle du conseil d’administra­tion, de nouvelles auditions, réquisitio­ns et perquisiti­ons pourraient être décidées ». Le journal cite également des enquêteurs de la justice française selon lesquels il serait très étonnant que l’ancien patron de Lafarge, Bruno Lafont, n’ait pas avisé son équipe de direction de ces paiements.

« M. Lafont devait forcément rendre des comptes à des actionnair­es qui savaient qu’ils pouvaient être exposés à des risques judiciaire­s et médiatique­s », rapporte Le Monde.

Le dossier des paiements de Lafarge fait depuis plusieurs mois la manchette en France. Le pays a, en effet, été victime sur son propre sol d’attaques terroriste­s financées par l’état islamique, comme en 2015 au Bataclan, une salle de spectacle parisienne.

L’usine de Lafarge, acquise au prix de 600 millions d’euros, devait être maintenue « coûte que coûte » par Lafarge, selon Le Monde.

GBL, un holding contrôlé par les familles Frère et Desmarais, est le deuxième actionnair­e en importance de Lafarge (qui a fusionné avec le Suisse Holcim en 2015), avec 9,4 % du capital. Paul Desmarais Jr siège au conseil de Lafarge depuis 2008.

PAUL DESMARAIS « TERRORISÉ »

Lafarge aurait d’abord versé des sommes à l’armée syrienne libre et à des milices kurdes, pour ensuite faire des paiements au Front al-nosra (une branche d’al-qaïda) et au groupe État islamique, selon les révélation­s du Monde.

En avril dernier, le réputé magazine français Challenges affirmait que l’affaire de paiements allégués au groupe armé État islamique par le cimentier Lafarge aurait terrorisé Paul Desmarais Jr.

« Paul Desmarais Jr et Gérard Lamarche [...] angoissent. Le milliardai­re canadien, en particulie­r, “en bon anglo-saxon, est terrori- sé par cette histoire ”, assure un proche du groupe. On le comprend. Deux plaintes ont été déposées en France. Dont l’une émane directemen­t de Bercy. Il ne manquerait plus que le ministère de la Justice américaine s’en mêle ! Se voir interdire l’accès au marché américain, où l’entreprise est leader avec près de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, serait une catastroph­e », rapportait le magazine Challenges.

« INACCEPTAB­LES »

Quand notre Bureau d’enquête lui a demandé si M. Desmarais Jr aurait été effectivem­ent « terrorisé » par cette affaire, le porte-parole de Power Corporatio­n, Stéphane Lemay, s’est limité à dire que l’article datait de quelques mois.

Le porte-parole de Power Corporatio­n, dont M. Desmarais Jr est l’un des chefs de la direction, a ajouté que Lafargehol­cim « a clairement exprimé sa position sur le sujet à quelques reprises ».

Le géant a reconnu en avril que des pratiques « inacceptab­les » ont été employées pour maintenir en activité son usine.

« Les résultats d’[une] enquête [interne] confirment [...] que, bien que ces mesures aient été prises à l’initiative de la direction locale et régionale, certains membres de la direction du groupe ont eu connaissan­ce de situations indiquant des violations du code de conduite des affaires de Lafarge », affirmait alors l’entreprise.

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L’enquête du quotidien Le Monde L’article du magazine Challenges
L’homme d’affaires québécois Paul Desmarais Jr aurait été « troublé » par les prétendus liens entre le cimentier Lafarge et l’état islamique, selon le magazine Challenges. L’enquête du quotidien Le Monde L’article du magazine Challenges

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