Le Journal de Quebec

Les maîtres de la culture du pot

La pègre asiatique a pris « le monopole » des serres clandestin­es de marijuana dans la région de Montréal

- Eric Thibault Ethibaultj­dm

La pègre asiatique a supplanté les Hells Angels et pris le monopole de la culture intérieure de marijuana dans la grande région de Montréal, où ses plantation­s illégales devraient continuer de proliférer malgré la légalisati­on du pot.

C’est ce qu’a révélé le commandant Minh Tri Truong, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), en entrevue au Journal.

« On constate qu’ils ont présenteme­nt le monopole de la culture intérieure de pot à Montréal, Laval et Longueuil, entre autres. Ils contrôlent le marché des serres de 300 à 1500 plants qui poussent dans des centaines de bungalows ou duplex qu’ils ont achetés et transformé­s en lieux de culture », a déclaré ce spécialist­e du crime organisé.

Un rapport du SPVM chiffre d’ailleurs à « au moins » 500 le nombre de plantation­s « à grande échelle » de cannabis exploitées « annuelleme­nt » par la pègre asiatique, seulement sur l’île de Montréal.

L’officier a précisé que les mariculteu­rs asiatiques, qui sont principale­ment d’origine vietnamien­ne, ont aussi la mainmise de ce marché à l’échelle nationale.

Expert sur cette faction plutôt méconnue du milieu interlope, le commandant Truong compte parmi les rares policiers québécois à avoir piégé des organisati­ons criminelle­s de souche asiatique à travers le pays en travaillan­t comme agent d’infiltrati­on pour le SPVM, la Sûreté du Québec et la Gendarmeri­e royale du Canada.

DISCIPLINÉ­S ET COMPÉTENTS

Selon lui, ils ne se sont pas hissés au sommet de la culture intérieure du pot juste parce qu’ils ont « le pouce vert ».

« Leur grande force, c’est qu’ils sont discipliné­s, a-t-il observé. Ce qu’ils font prend beaucoup de patience. C’est compliqué. Et ils sont bons là-dedans. »

Ils ont notamment mis au point des techniques de culture plus avancées que celles de leurs concurrent­s, a expliqué le commandant Truong.

« Maintenant, leurs plants peuvent être coupés après 39 jours de culture [au lieu de 60 ou 90]. Avec le roulement, c’est très lucratif. Alors ils laissent à d’autres les plantation­s de marijuana qu’on trouve dans les champs de la province, qui ne donnent qu’une seule récolte et qui demandent moins d’entretien. »

Plusieurs de ces immigrants ont déjà travaillé à la culture du riz ou dans des manufactur­es, a mentionné l’officier.

« Pour eux, c’est une opportunit­é plus payante que d’être sur une machine à coudre de huit à cinq et au salaire minimum. »

En 1997, le Service canadien du renseignem­ent criminel écrivait dans son rapport annuel que les Hells Angels avaient le monopole de la culture du pot au pays.

Toutefois, le crime organisé asiatique a commencé à s’imposer sur ce marché « il y a une quinzaine d’années » en Colombie-britanniqu­e, dit le commandant Truong.

« Leur production était surtout exportée sur la Côte-ouest américaine, et c’était très payant. Ils se sont ensuite déplacés vers Toronto, puis ici. »

LÀ POUR RESTER

Fait rare, les Hells Angels ont fini par céder ce marché des stupéfiant­s sans effusion de sang pour se concentrer sur ceux de la cocaïne et des drogues de synthèse.

Les motards, ainsi que la mafia italienne, continuent cependant de tirer profit de ce commerce en s’associant à la pègre asiatique pour exporter du pot « madeincana­da » vers les États-unis. Ils réinvestis­sent ensuite leur « argent vert » dans l’importatio­n de cocaïne, d’après plusieurs enquêtes policières.

Il semble utopique de croire que les maisons de pot de la pègre asiatique disparaîtr­ont si le gouverneme­nt Trudeau légalise le cannabis au Canada dès l’été prochain.

« Une grosse partie de leur production au Québec et en Ontario alimente le marché de la côte est des États-unis, de New York jusqu’en Floride. Ça représente plusieurs millions de dollars. Malgré ce qui s’en vient, ils risquent de continuer à produire et à fournir le marché américain », a fait remarquer le commandant Truong en faisant référence au projet de loi des libéraux.

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PHOTOS COURTOISIE À gauche : Chi Duc Ton, 41 ans, l’un des 13 accusés du projet Once du SPVM, apparaît sur une photo de filature en train de manipuler des boîtes et une poche de hockey remplies de marijuana et d’argent en compagnie d’un complice, le 8 juin dernier. À...
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