Les maîtres de la culture du pot
La pègre asiatique a pris « le monopole » des serres clandestines de marijuana dans la région de Montréal
La pègre asiatique a supplanté les Hells Angels et pris le monopole de la culture intérieure de marijuana dans la grande région de Montréal, où ses plantations illégales devraient continuer de proliférer malgré la légalisation du pot.
C’est ce qu’a révélé le commandant Minh Tri Truong, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), en entrevue au Journal.
« On constate qu’ils ont présentement le monopole de la culture intérieure de pot à Montréal, Laval et Longueuil, entre autres. Ils contrôlent le marché des serres de 300 à 1500 plants qui poussent dans des centaines de bungalows ou duplex qu’ils ont achetés et transformés en lieux de culture », a déclaré ce spécialiste du crime organisé.
Un rapport du SPVM chiffre d’ailleurs à « au moins » 500 le nombre de plantations « à grande échelle » de cannabis exploitées « annuellement » par la pègre asiatique, seulement sur l’île de Montréal.
L’officier a précisé que les mariculteurs asiatiques, qui sont principalement d’origine vietnamienne, ont aussi la mainmise de ce marché à l’échelle nationale.
Expert sur cette faction plutôt méconnue du milieu interlope, le commandant Truong compte parmi les rares policiers québécois à avoir piégé des organisations criminelles de souche asiatique à travers le pays en travaillant comme agent d’infiltration pour le SPVM, la Sûreté du Québec et la Gendarmerie royale du Canada.
DISCIPLINÉS ET COMPÉTENTS
Selon lui, ils ne se sont pas hissés au sommet de la culture intérieure du pot juste parce qu’ils ont « le pouce vert ».
« Leur grande force, c’est qu’ils sont disciplinés, a-t-il observé. Ce qu’ils font prend beaucoup de patience. C’est compliqué. Et ils sont bons là-dedans. »
Ils ont notamment mis au point des techniques de culture plus avancées que celles de leurs concurrents, a expliqué le commandant Truong.
« Maintenant, leurs plants peuvent être coupés après 39 jours de culture [au lieu de 60 ou 90]. Avec le roulement, c’est très lucratif. Alors ils laissent à d’autres les plantations de marijuana qu’on trouve dans les champs de la province, qui ne donnent qu’une seule récolte et qui demandent moins d’entretien. »
Plusieurs de ces immigrants ont déjà travaillé à la culture du riz ou dans des manufactures, a mentionné l’officier.
« Pour eux, c’est une opportunité plus payante que d’être sur une machine à coudre de huit à cinq et au salaire minimum. »
En 1997, le Service canadien du renseignement criminel écrivait dans son rapport annuel que les Hells Angels avaient le monopole de la culture du pot au pays.
Toutefois, le crime organisé asiatique a commencé à s’imposer sur ce marché « il y a une quinzaine d’années » en Colombie-britannique, dit le commandant Truong.
« Leur production était surtout exportée sur la Côte-ouest américaine, et c’était très payant. Ils se sont ensuite déplacés vers Toronto, puis ici. »
LÀ POUR RESTER
Fait rare, les Hells Angels ont fini par céder ce marché des stupéfiants sans effusion de sang pour se concentrer sur ceux de la cocaïne et des drogues de synthèse.
Les motards, ainsi que la mafia italienne, continuent cependant de tirer profit de ce commerce en s’associant à la pègre asiatique pour exporter du pot « madeincanada » vers les États-unis. Ils réinvestissent ensuite leur « argent vert » dans l’importation de cocaïne, d’après plusieurs enquêtes policières.
Il semble utopique de croire que les maisons de pot de la pègre asiatique disparaîtront si le gouvernement Trudeau légalise le cannabis au Canada dès l’été prochain.
« Une grosse partie de leur production au Québec et en Ontario alimente le marché de la côte est des États-unis, de New York jusqu’en Floride. Ça représente plusieurs millions de dollars. Malgré ce qui s’en vient, ils risquent de continuer à produire et à fournir le marché américain », a fait remarquer le commandant Truong en faisant référence au projet de loi des libéraux.